C'était en 1981, on fêtait le départ en retraite de Paul DUMONT
Une réunion amicale avait été organisée le 26 juin 1981 à l'occasion du départ en retraite de M. DUMONT, professeur de lettres depuis 1946 à l'école normale d'instituteurs de Douai, sous la présidence de Monsieur SORRE, Inspecteur d'Académie, Monsieur BEAUCARNE, alors Directeur et en présence de nombreux collègues et amis dont Jean JOLY....
Après avoir remercié les orateurs de leurs paroles flatteuses ainsi que les camarades venus témoigner leur affection en ce jour qui devrait être un jour de fête, Paul Dumont a ajouté avec émotion : “Mais les choses ne sont pas aussi simples. D'abord, nul n'a quitté cette maison sans chagrin. Ensuite, entre elle et moi, il y a une histoire d'amour. Nous avons eu le coup de foudre quand nous nous sommes rencontrés en 1946, et depuis ça été «ni elle sans moi, ni moi sans elle».
Beaucoup d'entre nous ont connu l'École Normale rouge (comme on disait) la première École Normale de France.
Cette école était la Libération vivante, une flamme péguyste et cornélienne. De l'Amour, de la liberté totale, du dialogue, elle avait le principe et la fin de sa pédagogie. Elle voulait que «rien d'humain ne nous fût étranger».
Ici on s'appelait par tous ses noms, on se disait tout, on était tous normaliens, pêle-mêle, élèves, employés, instituteurs, professeurs, intendance et direction. Ici, c'était tout le temps la fête, il y avait toujours des foules joyeuses dans les couloirs et on chantait, on jouait de la trompette et de l'accordéon. On posait sagement pour la photo de famille et on se ruait sauvagement en cuisine. On n'arrêtait pas de s'engueuler, et on avait souvent envie de s'embrasser. On était les lendemains qui chantent.
L'enseignement vivait de ce tohu bohu qui était la structure de surface d'une ténébreuse et profonde unité. Nous n'avions guère besoin de concertations officielles : mon meilleur ami était (est encore) le premier en date de nos professeurs d'éducation physique et j'ai épousé le professeur de dessin ! La musique avait de généreuses empoignades avec les Mathématiques. Les sciences naturelles m'initiaient au père
Teilhard de Chardin et j'introduisais le professeur de sciences naturelles dans le jardin des racines grecques, l'E.N. et les écoles d'application échangeaient leurs idées et leurs maîtres. On avait horreur du vide.
On avait inventé l'audio-visuel, il y avait la radio à bord de toutes les classes, on montait deux grands spectacles par an, on passait des films fixes et des films «bougeants», on avait déjà un magnétophone, mais il était à fil et quand le fil cassait, il envahissait la moitié de notre espace vital.
On faisait de tout, de la linguistique historique, du latin, de l'ancien français et du provençal. On écrivait des vers, on réalisait des manuscrits enluminés. On devenait amateurs d'art, peintres, sculpteurs, mosaïstes, décorateurs. On avait un orchestre symphonique, un jazz band et une formation rock, “les Régents” qui est toujours universellement connue.
On allait en chœur au stade Demény assister au triomphe immanquable de nos couleurs. On était champion du 5000 aussi bien que du cent mètres.
On faisait des Math modernes en 1950, dites donc !
On ne faisait pas de fausse monnaie parce qu'on ne voulait pas en faire. Mais ce qu'on faisait fort bien c'était indifféremment des instituteurs, des inspecteurs primaires, des agrégés et des professeurs de faculté.
Nous étions l'Universitas: il nous venait des étudiants d'Angleterre et des 2 Allemagnes, de Scandinavie, du Congo et du Gabon. Une fois que j'expliquais “l’Invitation au voyage”, Philis la jolie Américaine me dit : «je n'ai rien compris à votre cours, mais c'était merveilleux».
(...) Des différents Directeurs de cette E.N, ce que j'ai retenu de ces grands hommes c'est, avant tout, qu'ils étaient présents, qu'ils nous aimaient, que nous pouvions compter sur eux. (...)
Depuis 1976, le Directeur est un ancien qui vient de donner un courageux témoignage de son idéal laïque et qui ne demande qu'à jouer sa partie dans notre concert. Retrouvez tous ensemble la consonance et le goût des grandes entreprises. Un signe du ciel m'avertit que tout ira bien désormais : un de nos pionniers UMBERTO BATTIST «le seul, l'unique» comme il dit, sorti de chez nous en 1958 vient d'être élu député de la gauche dans une circonscription où, bien entendu, il était le seul et unique candidat.
Encore une fois merci, au nom de nous trois.” (Messieurs Tabary et Prunier également concernés par cette cérémonie d'adieu, NDLR)
Ce sont Mesdames GIBON et MALEXIS qui ont félicité le nouveau retraité et remis les cadeaux gage de l'amitié.
Extrait du bulletin 73 de l’année 1981 de l'amicale des anciens de l'école normale d'instituteurs de Douai :
https://drive.google.com/file/d/1pfCoie4-AY_x0IxeM_2eMzZNlESzj84f/view?usp=sharing
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