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dimanche 2 mars 2025

Une réunion amicale a été organisée le 26 juin 1981 à l'occasion du départ en retraite de M. Paul DUMONT, professeur de lettres, sous la présidence de Monsieur SORRE, Inspecteur d'Académie, Monsieur BEAUCARNE, Directeur

 C'était en 1981, on fêtait le départ en retraite de Paul DUMONT



Une réunion amicale avait été organisée le 26 juin 1981 à l'occasion du départ en retraite de M. DUMONT, professeur de lettres depuis 1946 à l'école normale d'instituteurs de Douai, sous la présidence de Monsieur SORRE, Inspecteur d'Académie, Monsieur BEAUCARNE, alors Directeur et en présence de nombreux collègues et amis dont Jean JOLY....

Après avoir remercié les orateurs de leurs paroles flatteuses ainsi que les camarades venus témoigner leur affection en ce jour qui devrait être un jour de fête, Paul Dumont a ajouté avec émotion : “Mais les choses ne sont pas aussi simples. D'abord, nul n'a quitté cette maison sans chagrin. Ensuite, entre elle et moi, il y a une histoire d'amour. Nous avons eu le coup de foudre quand nous nous sommes rencontrés en 1946, et depuis ça été «ni elle sans moi, ni moi sans elle».

Beaucoup d'entre nous ont connu l'École Normale rouge (comme on disait) la première École Normale de France.

Cette école était la Libération vivante, une flamme péguyste et cornélienne. De l'Amour, de la liberté totale, du dialogue, elle avait le principe et la fin de sa pédagogie. Elle voulait que «rien d'humain ne nous fût étranger». 

Ici on s'appelait par tous ses noms, on se disait tout, on était tous normaliens, pêle-mêle, élèves, employés, instituteurs, professeurs, intendance et direction. Ici, c'était tout le temps la fête, il y avait toujours des foules joyeuses dans les couloirs et on chantait, on jouait de la trompette et de l'accordéon. On posait sagement pour la photo de famille et on se ruait sauvagement en cuisine. On n'arrêtait pas de s'engueuler, et on avait souvent envie de s'embrasser. On était les lendemains qui chantent.

L'enseignement vivait de ce tohu bohu qui était la structure de surface d'une ténébreuse et profonde unité. Nous n'avions guère besoin de concertations officielles : mon meilleur ami était (est encore) le premier en date de nos professeurs d'éducation physique et j'ai épousé le professeur de dessin ! La musique avait de généreuses empoignades avec les Mathématiques. Les sciences naturelles m'initiaient au père

Teilhard de Chardin et j'introduisais le professeur de sciences naturelles dans le jardin des racines grecques, l'E.N. et les écoles d'application échangeaient leurs idées et leurs maîtres. On avait horreur du vide.

On avait inventé l'audio-visuel, il y avait la radio à bord de toutes les classes, on montait deux grands spectacles par an, on passait des films fixes et des films «bougeants», on avait déjà un magnétophone, mais il était à fil et quand le fil cassait, il envahissait la moitié de notre espace vital.

On faisait de tout, de la linguistique historique, du latin, de l'ancien français et du provençal. On écrivait des vers, on réalisait des manuscrits enluminés. On devenait amateurs d'art, peintres, sculpteurs, mosaïstes, décorateurs. On avait un orchestre symphonique, un jazz band et une formation rock, “les Régents” qui est toujours universellement connue.

On allait en chœur au stade Demény assister au triomphe immanquable de nos couleurs. On était champion du 5000 aussi bien que du cent mètres.

On faisait des Math modernes en 1950, dites donc !

On ne faisait pas de fausse monnaie parce qu'on ne voulait pas en faire. Mais  ce qu'on faisait fort bien c'était indifféremment des instituteurs, des inspecteurs primaires, des agrégés et des professeurs de faculté.

Nous étions l'Universitas: il nous venait des étudiants d'Angleterre et des 2 Allemagnes, de Scandinavie, du Congo et du Gabon. Une fois que j'expliquais “l’Invitation au voyage”, Philis la jolie Américaine me dit :  «je n'ai rien compris à votre cours, mais c'était merveilleux».

(...) Des différents Directeurs de cette E.N, ce que j'ai retenu de ces grands hommes c'est, avant tout, qu'ils étaient présents, qu'ils nous aimaient, que nous pouvions compter sur eux. (...)

Depuis 1976, le Directeur est un ancien qui vient de donner un courageux témoignage de son idéal laïque et qui ne demande qu'à jouer sa partie dans notre concert. Retrouvez tous ensemble la consonance et le goût des grandes entreprises. Un signe du ciel m'avertit que tout ira bien désormais : un de nos pionniers UMBERTO BATTIST «le seul, l'unique» comme il dit, sorti de chez nous en 1958 vient d'être élu député de la gauche dans une circonscription où, bien entendu, il était le seul et unique candidat.

Encore une fois merci, au nom de nous trois.” (Messieurs Tabary et Prunier  également concernés par cette cérémonie d'adieu, NDLR)

Ce sont Mesdames GIBON et MALEXIS qui ont félicité le nouveau retraité et remis les cadeaux gage de l'amitié.

Extrait du bulletin 73 de l’année 1981 de l'amicale des anciens de l'école normale d'instituteurs de Douai : 

https://drive.google.com/file/d/1pfCoie4-AY_x0IxeM_2eMzZNlESzj84f/view?usp=sharing




Malheureusement, Paul Dumont n'a pas pu bénéficier longtemps de sa retraite puisqu'il est décédé deux ans plus tard le 11 août 1983

vendredi 13 mai 2022

Francine Malexis, ancienne professeur à l'ENG de Douai, se souvient des 5 derniers directeurs , c'est dire si son témoignage est précieux.

Petits souvenirs des anciens Directeurs de l'ENG



Francine Malexis-Verdiere

    Dans  le dernier bulletin  la galerie de portraits des anciens Directeurs attire l'attention. Je les ai tous rencontrés sans toutefois avoir le statut d'élève, j'ai donc pensé que mes petites anecdotes pouvaient faire sourire ou apporter un nouvel éclairage.




Monsieur Hickel me faisait un peu peur ainsi qu'à mes copines de promotion ( 1954-1958).

Nous lui trouvions un air sérieux voire sévère et on ne s'expliquait pas pourquoi les normaliens l'appelaient affectueusement « pépère ».




Monsieur Mériaux, je l'ai croisé lors du bal de Saint Nicolas.J'appartenais au groupe de 3 surveillantes chargées d'encadrer les normaliennes présentes à cette sauterie  annuelle organisée par l'ENG. Monsieur Mériaux avait retenu, avec galanterie, une danse pour chaque surveillante. J'ai, en ce qui me concerne, le souvenir d'une valse! Les 3 surveillantes étaient très flattées par cette attention: la fonction de « pionne » étant souvent méprisée et décriée! Il est vrai aussi qu'à l'époque elle nous permettait de faire des études universitaires sans dénoncer notre contraignant engagement décennal.




Nommée pour mon premier poste de professeur à l'ENG je me suis présentée à mon Chef d'établissement la veille de la rentrée comme c'était l'usage.

À mon arrivée dans son bureau Monsieur Clisant m'a accueillie avec cette phrase «madame Malexis vous arrivez ici comme une bénédiction ». J'étais jeune mais pas tout à fait naïve et je n'ai pas pris cette curieuse phrase au premier degré, d 'abord par égard pour la laïcité!En fait j'ai très vite compris , avec les questions posées, que le Directeur s'inquiétait par avance d'éventuels problèmes de discipline dans la gestion de la classe. Il s'est un peu rassuré lorsque je lui ai rapporté que je venais d'avoir la responsabilité, en stage, d'une classe terminale au Lycée de garçons de Tourcoing, à l'époque les établissements n'étaient pas mixtes.... Manifestement le Directeur aurait préféré accueillir un professeur de sexe masculin avec quelques années d'expérience professionnelle. Il n 'a pas été obligé d'intervenir dans mes classes car je n'ai pas connu de problèmes de discipline. Un    égo hypertrophié pourrait m'inciter à écrire que c'était en relation avec mon autorité naturelle. En fait, je pense que l'explication se trouve au niveau des normaliens: intéressés ils se révélaient  être des élèves attentifs et participatifs. Ma discipline, les sciences naturelles, intéressait le plus souvent les élèves : pas de dogmatisme, les cours apparaissaient comme une mise au point, une synthèse des découvertes faites en Travaux Pratiques où les activités étaient variées et le plus souvent autonomes.

    Cependant je suis retournée dans le bureau de Monsieur Clisant pour présenter une revendication avec 2 collègues féminines (mademoiselle Colin et madame Dumont il me semble) nous voulions obtenir une clef afin de pouvoir accéder pendant les récréations aux toilettes «  à l'anglaise » du premier étage car au rez de chaussée les toilettes étaient à la « turque » ou de simples urinoirs. Nous avons eu gain de cause!!!!! Remarquable victoire qui pourrait illustrer l'épopée du combat féministe.




Monsieur Virel était un Directeur assez distant de ses administrés et les événements de 1968 n'ont pas modifié sa posture,mes souvenirs personnels se confondent donc avec ceux de tous les autres. D'abord la signalisation tricolore à l'entrée de son bureau, elle me   paraissait peu respectueuse de l'identité du visiteur, alors avec un peu de lâcheté sans doute , je la contournais. Pour obtenir une autorisation de sortie pédagogique je ne rencontrais pas le directeur je déposais simplement  mon dossier sur le bureau de la secrétaire de direction.. Avec le recul du temps je pense que  ce directeur nous entraînait à ce qui  serait notre quotidien quelques décennies plus tard : l'individu confronté aux réponses programmées d'un robot.Je n'ai pas oublié non plus les noeuds papillon assortis aux costumes bleus, il m'en est resté une philosophie juste ou non à propos du noeud papillon : certes il exprime un désir d'élégance mais il traduit aussi une volonté de se démarquer des autres,  ce qui apparaît moins dans la société actuelle qui privilégie les teeshirts ou les chemises ouvertes!!




    Avec Monsieur
Beaucarne nous avons trouvé un directeur qui vivait dans la communauté éducative notamment pendant l'heure hebdomadaire  de concertation placée le  lundi matin de 9h à 10h. Chacun pouvait s'exprimer sur les textes parus au BOEN ou sur les dispositions prises localement, le directeur faisait connaître à tous son analyse et ses points de vue pour conclure sur une décision collégiale.

Monsieur Beaucarne gérait son Ecole Normale dans le respect des textes comme en témoigne l'anecdote suivante. Les Inspecteurs pédagogiques se risquaient peu dans les écoles normales et les professeurs se trouvaient souvent bloqués par des notes d'inspection un peu anciennes. Sollicitée, l'Inspectrice Générale de Sciences mademoiselle Deunf est venue passer  une journée d'inspection avec les 3 Professeurs de Sciences Naturelles de Douai. Reçue par l'établissement   pour le déjeuner elle avait proposé que les 3 professeurs assistent également au repas. Pas de problèmes pour mes 2 collègues inspectés le matin; je devais être inspectée l'après- midi et Monsieur Beaucarne s'est opposé à ma présence, en s'appuyant sur un vieux texte du siècle précédent qui stipulait   que les Inspecteurs et les Inspectés ne peuvent pas prendre leur repas ensemble, ils ne peuvent pas être commensaux. L'Inspectrice Générale a insisté et j 'ai finalement participé « aux agapes » organisées au premier étage dans une petite salle étroite jouxtant la  bibliothèque. Un mauvais souvenir pour moi : j'ai totalement oublié le menu mais je sais que je me suis éclipsée rapidement au moment du café pour rejoindre ma salle de classe et les Instituteurs en formation continue que je devais prendre en charge. Finalement tout  s'est bien passé.




A l'arrivée de Monsieur Mutelet je me suis présentée dans son bureau, je n'enseignais plus à l'EN car j'étais élève-inspectrice en formation à Paris mais mon poste de prof avait toujours son attache administrative à Douai. Au cours de notre conversation Monsieur Mutelet m'a dit : dans ce métier d'inspecteur il ne faut pas faire le Don Quichotte! Précieux  conseil donné par un grand littéraire.

Plus tard, j'ai retrouvé Bernard Mutelet à l'Inspection Académique ou au Rectorat. Après chaque réunion, on parvenait à échanger quelques phrases pour se rappeler l'ENG avec parfois, il faut bien le dire, un brin de nostalgie.



Francine Malexis-Verdiere
Professeur de sciences naturelles
ENG Douai 1965-1984


mercredi 24 février 2021

Madame Jacqueline BEAUCARNE-MASSART, veuve De Roger Beaucarne n'est plus

Ce mercredi 24 février 2021, Jean-Pierre Delcambre nous fait part du décès de Madame Jacqueline BEAUCARNE-MASSART, veuve de Roger Beaucarne, notre ancien professeur et directeur d'école normale de Douai. Géry Quennesson nous a transmis l'avis de décès paru dans la presse, ce dimanche 28 février.
Les obsèques auront lieu ce jeudi 4 mars à 10h au crématorium de Dunkerque et ses cendres déposées au jardin des souvenirs de Ghyvelde.
Des visites sont possibles tous les jours de 9 à 10 h au salon funéraire "les Dunes" des Pompes funèbres Vandenbussche à Dunkerque

Avis De Décès

Editions: 
 Boulogne sur Mer
 Dunkerque
Date de parution: 
 28-02-2021

Hondschoote



Roger BEAUCARNE , son époux
François BEAUCARNE ,
Florence et Denis RAKOTONDRANISA-BEAUCARNE,
ses enfants
Maximilien, Justine, Lise et Gery, Hadrien et Albane,
ses petits-enfants
Pascale BEAUCARNE-GABET,
Patrice et Danièle DUFLOS-MORTREUX,
Annette CONDETTE,
ses amis
Le personnel de l'EHPAD Fleur de Lin,



ont la tristesse de vous faire part du décès de




Madame Jacqueline BEAUCARNE

née MASSART

Ancienne élève de l'Ecole Normale d'institutrices d'Arras
Institutrice et directrice d'école maternelle
de l'enseignement publique
Chevalier dans l'ordre des Palmes Académiques




survenu le mercredi 24 février 2021 à Hondschoote, à l'âge de 90 ans.



Dans l'attente de ses obsèques, Madame BEAUCARNE repose au funérarium de Dunkerque-Rosendaël, 22 rue Albert
Cuenin. Les visites sont souhaitées de 9 heures à 10 heures.



Ses funérailles auront lieu le jeudi 4 mars 2021 à 10 heures, en la salle de recueillement de l'Estran du crématorium
Grand-Littoral de Dunkerque, suivies de la crémation selon les volontés de la défunte.



Cet avis tient lieu de faire-part.



Vous pouvez déposer vos messages et témoignages sur le site internet 

https://vandenbussche.fr/avis-de-deces-2/


vendredi 20 novembre 2020

Qui se souvient de Roger Beaucarne, l'avant dernier directeur de l'école normale d'instituteurs de Douai de 1976 à 1984 ?


Dans cet article de la Voix du Nord de décembre 1984, on salue son parcours, lequel ne s'est d'ailleurs pas arrêté à Douai puisqu'il termina sa carrière comme Inspecteur d'Académie à Périgueux où il fut décoré de la légion d'honneur en 1993, à son départ en retraite. Plus de détails sur sa brillante carrière sur notre site dans la page consacrée aux directeurs d'école normale de Douai. (cliquer sur le lien)






 

jeudi 19 novembre 2020

Bernard Mutelet, le dernier à avoir dirigé l'école normale d'instituteurs de Douai. Georges Wosik, promo 76 78, nous fournit deux textes précieux sur son arrivée à Douai en 1984 et son départ en 1991

 

Qui se souvient de Bernard Mutelet ? Il fut le dernier des directeurs de l'école normale de Douai, de 1984 à 1991, date de la création des IUFM. Nous lui avons consacré un article sur notre nouveau site normalien (cliquer sur le lien ) mais nous faisons appel à ceux qui l'ont connu pour nous aider à compléter la fiche biographique qui lui est consacrée. Envoyez vos témoignages ou documents à engiufmdouai@gmail.com


En réponse à notre appel, nous avons reçu de Georges Wosik, promo 76 78, ancien Responsable Pédagogique du Site IUFM de
Douai (2011-2012), le message suivant accompagné de 2 textes fort précieux que nous publions ci-dessous :

"Bonjour,

Suite à votre demande, je vous envoie 2 documents que vous pouvez publier dans le prochain bulletin de l'amicale :

- le premier, retrace l'arrivée de Bernard Mutelet à l'ENG

- le second est le discours énoncé par Pierre Herlent le 28 juin 1991 lorsque monsieur Mutelet quitte Douai : c'est en fait un discours qui retrace avec beaucoup de subtilité et d'humour les 7 années de direction  de Bernard Mutelet. Je vous souhaite bonne réception et reste à votre disposition." 
Georges Wosik


Premier texte :


L’arrivée de Bernard Mutelet un 24 août 1984


Après huit années passées à diriger l’Ecole Normale d’Instituteurs de Douai (de 1976 à 1984), Roger Beaucarne est nommé à l’EN de Lille. Fin août, je revois mon ancien Directeur qui m’annonce la venue de son successeur,   Bernard Mutelet en provenance d’Albi : je suis chargé de l’accueillir à l’ENG le vendredi 24 août.
Régulièrement, je guette l’entrée de la rue d’Arras. Brusquement, la sonnerie stridente du téléphone de service retentit vers 17 heures 30 : au bout du fil, une voix qui m’est familière, celle de monsieur Teston, concierge à l’Ecole Normale d’Institutrices. Il me demande de le rejoindre car un certain Bernard Mutelet s’est présenté au 161 de la rue d’Esquerchin prétendant être le nouveau Directeur !

J’arrive au pas de course rue d’Esquerchin : Une Peugeot 604 bleue immatriculée dans le Tarn, attelée à une caravane, barre l’entrée de l’ENF !
Monsieur Teston, visiblement paniqué, m’annonce que ce monsieur qui se tient debout près de sa voiture s’est présenté à lui en déclarant être le nouveau directeur alors que le matin même il avait encore croisé monsieur Élie Savoye (*) et que ce dernier n’avait nullement évoqué son départ de l’ENF !
Je m’avance vers Bernard Mutelet, visiblement surpris par la gêne occasionnée :
- je suis le nouveau directeur de l’Ecole Normale de Douai, j’ai appris ma nomination par téléphone (ministère) il y a peu de temps, me dit-il en toute humilité et en me serrant la main
- je suis bien au courant de votre venue lui répondis-je, en réalité il y a 2 Écoles Normales à Douai ! Vous n’êtes tout simplement pas à la bonne adresse !
Quiproquo levé, donc ! En soirée, après avoir échangé longuement avec mon nouveau Directeur, Bernard Mutelet m’a donné l’explication de son arrivée à l’ENF : lorsqu’il était IEN à Roubaix, il était venu en tant que membre d’un jury à l’ENF et il ignorait que Douai comptait sur son territoire deux écoles normales distinctes.
(*) : Élie Savoye a été directeur de l’ENF de 1983 à 1988. Il est décédé en 2011. (M. Chabbert deviendra le premier directeur d'un I.U.F.M. qui regroupe les deux ex-Écoles Normales, et voit " la Chute du mur de Douai ").                                      
                                                          Georges WOSIK

deuxième texte :


Discours de Pierre Herlent (professeur agrégé de Lettres à l’ex.ENG) lors du départ de Monsieur Mutelet et de Mademoiselle Vandrisse 

(Discours prononcé le 28 juin 1991 dans la chapelle de l’ex ENG)

Monsieur le Directeur, madame l’Attachée d’Intendance, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,

 Lorsqu’un nouveau venu prend ses fonctions dans un établissement, les discours qui l’accueillent -pour sympathiques qu’ils soient- n’en demeurent pas moins, d’une relative brièveté. Il n’en est pas de même lorsqu’ils s’en vont. Je vois deux raisons à cet état de fait :
La première est que les nouveaux arrivants sont souvent peu connus, mal connus, voire totalement inconnus de ceux qui les reçoivent comme collègues ;
La deuxième, surtout lorsqu’il s’agit de personnalités dotées d’un pouvoir dirigeant, parce qu’il est prudent de rester prudent, et de ménager l’avenir.
En revanche, la même circonspection n’est plus de mise le jour d’un départ : il n’y a plus d’avenir à ménager. En outre, dans l’intervalle des liens ont été noués, tout un passé de bons et de mauvais moments s’est tissé avec lesquels il faut comme au rugby, opérer une sorte de transformation : les faire entrer dans la mémoire. C’est, je crois le sens des mots que je vais prononcer maintenant, même s’ils n’engagent que moi et si chacun à accomplir pour lui ce travail de catharsis.

Vous m’avez confié un jour, sous le sceau du secret, c’est-à-dire, probablement dans la galerie, qu’avec la maturité, sinon une passion, du moins un goût plus prononcé vous était venu pour l’histoire. C’est donc en historien que je tenterai de dresser à grands traits le bilan de ces années que vous avez passées dans notre ancienne Ecole Normale. Je ne doute pas que, ce faisant, je fasse la preuve, à l’inverse que je n’ai jamais eu le moindre talent pour entretenir avec Clio, la muse qui vous chatouille, autre chose que des rapports de bon voisinage. Ces années que vous avez passées ici comme Directeur, la tentation est forte de les désigner par les mots de « règne », ou de septennat. S’il m’arrive d’employer ces termes, j’espère qu’on n’y entendra pas malice : je n’en ai pas trouver d’autres. Le mot « mandat » ne convient évidemment pas. Qu’on admette donc qu’il s’agit de simples métaphores.
Je commencerai par votre travail à l’intérieur. Certains s’attendent peut-être à des révélations fracassantes sur votre service de renseignements, à l’ouverture d’un dossier sur des micros secrets, des écoutes téléphoniques. Je ne m’y risquerai pas. Vous avez sans doute été informé, mais je laisse aux oubliettes de l’histoire, l’entier mystère de ce savoir faire.
On m’a dit aussi que vous aviez eu en matière de cabinets -c’est bien du domaine de l’intérieur dont je parle- une politique audacieuse, marquée par un égalitarisme volontaire et une opiniâtreté à l’égard notamment des services de mademoiselle Vandrisse qui fut triomphante. Vous en parlerez peut-être et sans doute mieux que moi.
Non, ce que je voudrais souligner aujourd’hui, d’un point de vue purement professoral peut-être, dont je m’excuse, c’est la somme considérable de papiers que vous nous avez fait remplir :
- vous avez toujours eu une affection particulière pour les cahiers d’U.F.(1), témoins de l’activité débordante de cette école ;
-vous avez agi avec insistance pour que soient établis avec les élèves ces contrats irréprochables que nous appelions « plans d’U.F. (2) et qui devaient nous assurer de solides arrières ;
-vous avez rétabli, pour ce qu’un collègue (3) aujourd’hui émigré dans le Velay appelait la « levée d’écrou », à savoir les autorisations de sortie, la règle qui consiste à les remplir en triple exemplaire, conformément sans doute à un article précis du règlement que vous sauriez nous citer de mémoire ;
- vous avez présidé à la refonte de ces cahiers de stages pour lesquels les instituteurs et les formateurs ont toujours montré des sentiments mitigés ;
- enfin, vous avez eu un respect très particulier pour ce cahier de concertation, recueil de nos décisions communes, dont vous aviez grand soin de vérifier l’inscription surtout quand elles émanaient de votre pensée par un péremptoire « notez monsieur Wosik » et où personnellement je n’ai jamais retrouvé la substance de mes interventions pourtant subtiles. Avez-vous conscience, madame l’Intendante, d’avoir financé ces dépenses somptuaires en papier et d’avoir ainsi contribué sinon au déboisement du patrimoine français, du moins au déficit de la balance nationale ? Quoi qu’il en soit, monsieur le Directeur, vous laissez derrière vous des archives colossales. A ce propos, laissez moi poser une question et exprimer une inquiétude : que vont devenir ces papiers précieux, témoins d’une vie exubérante, d’une créativité inépuisable et des conflits inévitables qui les ont ponctués ? Les avez-vous microfilmés ? Avez-vous songé à les mettre à l’abri de l’envahisseur ? Nul doute qu’ils pourraient servir à nourrir un jour, la réflexion d’un chercheur en Sciences de l’Education s’interrogeant sur la protohistoire des Centres Universitaires de Formation des Maîtres.
Si j’ai bien compris, en matière de gouvernement, votre regard a toujours été tourné vers l’Est. Le concept de perestroïka, devenu dans votre bouche la transparence, a été une clé de voûte de votre septennat. C’est à vous, plutôt qu’aux événements relativement récents des pays Baltes que nous devons d’avoir ouvert les yeux sur les limites d’une politique inaugurée par monsieur Gorbatchev. Et il me semble que dans les signes lisibles aujourd’hui, on peut relever, qu’au moment où vous partez pour Villeneuve d’Ascq, vient au premier plan monsieur Elstine, grâce auquel vous pourrez modifier vos chevaux de bataille. Vous voilà peut-être entré dans une phase de libéralisme centraliste ?

Mais venons-en aux relations extérieures : j’irai vite. Vous avez été un homme d’accueil et d’ouverture sur l’étranger. Je ne citerai pas ici les divers organismes qui ont trouvé asile dans notre enceinte. Mais c’est à vous que nous devons d’avoir reçu plusieurs années de suite des étudiants marocains ainsi que des religieuses venues du Liban. Cette ouverture de nos frontières est indéniable, et sont tout à votre honneur. Elles ont valu, à mademoiselle Vandrisse et moi-même, une visite nocturne du métro de Lille qu’elle ne connaissait pas. Nous avions pris, avec le professeur marocain que nous chaperonnions, la place fictive du conducteur ; le vent s’engouffrait dans nos cheveux, la vitesse nous grisait, nos yeux scrutaient l’obscurité blafarde… Une tranche de vie dont je me souviendrais longtemps et que nous devons à vous, monsieur le Directeur.
Nos pires ennemis sont nos voisines les plus proches. Vos rapports avec nos collègues de l’Ecole Normale d’Institutrices ont toujours été d’une extrême rigueur comparable, mutatis mutandis, aux réticences d’une madame Thatcher vis à vis de ses partenaires européens ou plus lointainement d’un certain Général.
Vous avez su faire taire les sirènes d’une collusion trop rapide, bien qu’inéluctable aujourd’hui. Tout en ménageant la nécessaire collaboration, vous avez su maintenir les distances garantes de l’identité des uns et des autres. Bref, pour prendre un langage imagé, vous avez pratiqué la politique de la petite porte ouverte, sans adopter celle de la démolition des murs.
Néanmoins, lorsque vous êtes arrivé, à Douai, un certain 24 août 1984, par la voie royale de la rue d’Esquerchin, il paraît que c’est au numéro 161 que vous vous êtes présenté. Permettez-moi d’émettre ici une question et ce n’est plus l’historien qui analyse mais la psychologie des profondeurs qui s’interroge : n’y-a-t-il pas eu dans cet acte manqué, les prémices douloureux d’un désir latent, refoulé, la naissance d’un amour d’autant plus violent et ambigu qu’il ne trouva jamais son accomplissement ?

Les grands règnes sont des règnes de bâtisseurs. Les grandes civilisations laissent des temples. Je n’en finirais pas d’énumérer, les pyramides, le Parthénon, Versailles, le Centre Pompidou, l’Arche de la Défense… Je compte à votre actif, et à celui de madame la surintendante, avec laquelle vous formez le couple infernal dans l’Histoire, non seulement d’avoir contribué au maintien du monument aux vivants que votre prédécesseur (4) avait érigé, en exigeant sa restauration par les mains iconoclastes qui l’avaient endommagé -lors d’une invasion barbare- mais encore d’avoir ajouté à l’embellissement de notre parc, en présidant à la construction, en apparence plus modeste, mais bien mieux située, d’un canon solaire.
Permettez-moi une rapide et superficielle étude comparative de ces deux chefs-d’oeuvre : ils sont tous deux situés dans les extérieurs et destinés à braver les intempéries. Que feraient-ils dans une de nos salles ? Ils sont constitués l’un et l’autre des mêmes matériaux : une base de maçonnerie, une ornementation de terre cuite et vernissée. Ils comportent chacun des inscriptions. Face à l’avenir qui nous préoccupe tous, je me pose néanmoins quelques questions. Nos petits enfants de l’an 2000, devant ces énigmes architecturales sauront-ils encore reconnaître que la spirale du monument aux vivants a été calculée approximativement dans un rayon variable sur la trajectoire de la comète de Hallez ? Sauront-ils deviner que votre fameux canon, que je n’ai jamais entendu fonctionner, pareil à l’Ixion cher à Apollinaire, vous savez, ce personnage mythique qui engrosse les nuages, ce fameux canon dis-je, est autre chose qu’un hymne vibrant et sempiternel, aux brumes, aux brouillards, à la bruine du printemps et à tous les miasmes polluants ?
Il est temps de citer pour montrer l’ultime élégance de votre fin de règne un proverbe anglais. Excusez mon accent : « When the boat sinks, the captain has to drink the cup », ce qui veut dire : quand le bateau coule, le capitaine doit boire la tasse. Vous avez réussi, monsieur le Directeur, madame l’intendante, à faire coïncider la fin des Ecoles Normales avec la fin de votre fonction, si bien que j’en suis intimement convaincu, personne n’évoquera avec nostalgie les figures marquantes qui ont présidé à ces temps. Pour ma part, j’espère avoir contribué modestement à célébrer l’événement de cette révolution, au sens où quelque chose est maintenant révolu.
Il me fallait pour terminer une dernière métaphore : vous affectionnez les comparaisons guerrières. Combien de fois m’avez-vous dit que vous étiez, que nous étions « toujours sur la brèche ! » J’informe au passage les populations qu’une brèche vient de s’ouvrir à Villeneuve d’Ascq. Je crains néanmoins que cette image ne donne à notre Education Nationale la réputation d’être un peu ébréchée. La métaphore que je choisirai est d’ordre sportif : au moment où vous prenez un nouveau départ sur les starting-blocks de l’IUFM, je souhaite que vous entriez d’un pas allègre et entraîné dans la destinée incertaine qui s’ouvre ainsi, en vous souhaitant qu’elle vous mène quelque part !
Et puisque vous partez, monsieur le Directeur, madame l’Intendante : A VOS MARQUES !

                                        Pierre HERLENT


(1) cahiers d’U.F : cahiers des unités de formation. Documents rédigés par les formateurs quant aux contenus disciplinaires à dispenser 
(2) plan d’U.F : déroulement de l’unité de formation à l’intention des élèves instituteurs (modalités d’évaluation)
(3) il est fait référence à Marcel Laisne (collègue de français) qui avait obtenu sa mutation pour l’Ecole Normale du Puy en Velay.
(4) Roger Beaucarne avait fait ériger en 1983 un monument aux vivants où figuraient les noms d’anciens normaliens ayant une fonction élective