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jeudi 25 juillet 2024

Quand Paul Dumont, dit Popaul, partit en retraite en juin 1981, après avoir débuté à l'ENG en 1946 avec son ami Jean Joly, une cérémonie fut organisée et l'on en retiendra son discours ému, teinté d'humour et de nostalgie.

 

Yvonne et Paul Dumont


CÉRÉMONIE de DÉPARTS en RETRAITE à L'ECOLE NORMALE

(extrait du Bulletin 73 de Novembre 1981, pages 19, 20, 21)

Une réunion amicale a été organisée le 26 juin 1981 à 17 H à l'occasion du départ en retraite de M. DUMONT, professeur de lettres, de M. PRUNIER, intendant et de M.TABARY, directeur de l'école annexe.

Monsieur SORRE, Inspecteur d'Académie, Directeur des Services Départementaux de l'Education du Nord présidait cette réunion.

De nombreux directeurs d'école actifs et retraités, professeurs, les membres du personnel d'intendance, Inspecteurs Départementaux de l'Education Nationale, maîtres d'école annexe et d'application, des représentants de l'Amicale des anciens et anciennes élèves se sont réunis dans le réfectoire de l'école témoignant ainsi leur sympathie aux retraités.


Monsieur BEAUCARNE, directeur de l'Ecole Normale ouvre la séance : «il me revient ? Mesdames, Messieurs ? comme à l'accoutumé, d'ouvrir cette amicale réunion pour en marquer le caractère de simplicité et aussi le caractère exemplaire, comme si le destin avait voulu marquer d'une signification particulière le triple départ en retraite que nous célébrons aujourd'hui.

La simplicité d'abord, il fallait bien s'y tenir puisqu'elle est dans nos habitudes.

Cependant, il faut remarquer qu'ils ne sont pas ici comme la circonstance fortuite d'un rite administrativement funéraire, le prétexte d'un discours qui parlerait d'autre chose, mais bel et bien comme le centre de gravité de cette affaire....

De là que la signification particulière de ce triple départ, trinité qui réunit la rigueur comptable, l'ardeur technique, l'amour des belles lettres…

C'est à Monsieur Sorre, Inspecteur d'Académie, qu'il revient de rappeler la brillante carrière de chacun d'eux .



Monsieur DUMONT remercie au nom de ses Collègues, Monsieur l'Inspecteur d'Académie, Monsieur le Directeur de leurs paroles flatteuses, les camarades d'être venus leur témoigner leur affection en ce jour qui pour tous trois devrait être un jour de fête.

Mais les choses ne sont pas aussi simples, dit M. DUMONT, D'abord nul n'a quitté cette maison sans chagrin. Ensuite, entre elle et moi, il y a une histoire d'amour. Nous avons eu le coup de foudre quand nous nous sommes rencontrés en 1946, et depuis ça été «ni elle sans moi, ni moi sans elle».

Beaucoup d'entre nous ont connu l'École Normale rouge (comme on disait) la première École Normale de France.

Cette école était la Libération vivante, une flamme péguyste et cornélienne. De l'Amour, de la liberté totale, du dialogue, elle avait le principe et la fin de sa pédagogie. Elle voulait que «rien d'humain ne nous fût étranger».

Ici on s'appelait par tous ses noms, on se disait tout, on était tous normaliens, pêle-mêle, élèves, employés, instituteurs, professeurs, intendance et direction.

Ici c'était tout le temps la fête, il y avait toujours des foules joyeuses dans les couloirs. et on chantait, on jouait de la trompette et de l'accordéon. On posait sagement pour la photo de famille et on se ruait sauvagement en cuisine. On n'arrêtait pas de s'engueuler, et on avait souvent envie de s'embrasser. On était les lendemains qui chantent.


L'enseignement vivait de ce tohu bohu qui était la structure de surface d'une ténébreuse et profonde unité. Nous n'avions guère besoin de concertations officielles : mon meilleur ami était (est encore) le premier en date de nos professeurs d'éducation physique et j'ai épousé le professeur de dessin ! La musique avait de généreuses empoignades avec les Mathématiques. Les sciences naturelles m'initiaient au père Teilhard de Chardin et j'introduisais le professeur de sciences naturelles dans le jardin des racines grecques, l'E.N. et les écoles d'application échangeaient leurs idées et leurs maîtres. On avait horreur du vide.

On avait inventé l'audio-visuel, il y avait la radio à bord de toutes les classes, on montait deux grands spectacles par an, on passait des films fixes et des films «bougeants», on avait déjà un magnétophone, mais il était à fil et quand le fil cassait, il envahissait la moitié de notre espace vital.

On faisait de tout, de la linguistique historique, du latin, de l'ancien français et du provençal. On écrivait des vers, on réalisait des manuscrits enluminés. On devenait amateurs d'art, peintres, sculpteurs, mosaïstes, décorateurs. On avait un orchestre symphonique, un jazz band et une formation Rock, les Régents qui est toujours universellement connue.

On allait en chœur au stade Demény assister au triomphe immanquable de nos couleurs. On était champion du 5 000 aussi bien que du cent mètres.

On faisait des Maths modernes en 1950, dites donc !

On ne faisait pas de fausse monnaie parce qu'on ne voulait pas en faire. Mais ce qu'on faisait fort bien c'était indifféremment des instituteurs, des inspecteurs primaires, des agrégés et des professeurs de faculté.

Nous étions l'Universitas: il nous venait des étudiants d'Angleterre et des 2 Allemagnes, de Scandinavie, du Congo et du Gabon. Une fois que j'expliquais l'invitation au voyage, Philis la jolie Américaine me dit «je n'ai rien compris à votre cours, mais c'était merveilleux».

Puis M. DUMONT passe en revue d'une façon très humoristique les différents Directeurs de cette E.N. qu'il aime tant et conclut : «Et ce que j'ai retenu de ces grands hommes c'est, avant tout, qu'ils étaient présents, qu'ils nous aimaient, que nous pouvions compter sur eux.

M. TABARY et M. PRUNIER sont arrivés trop tard, ils ont connu trop peu cet univers délirant. Mais cela a suffi à les envoûter et ils sont entrés dans notre jeu.

C'est ainsi que M. PRUNIER a participé activement à la représentation du «Voyage de M. Perrichon» en 1966. Nous avons obtenu de sa tendresse bougonne tout le matériel nécessaire et le superflu. Et tenez-vous bien ! C'est même lui qui a réglé personnellement les éclairages de la salle. Et il faut le faire quand on est de Manosque.

C'est ainsi que l'âme de l'école a donné des ailes à M. TABARY. Et c'est pourquoi il ressemble si étrangement à Hermès. Que de messages il a transmis. Combien de problèmes insolubles il a résolus ! il se voulait exemplaire : il nous racontait ses débuts épiques dans une classe unique (notez la rime) sous l'œil impitoyable de «D'baisieux» il nous disait «Comment qui fzot».


Et son expérience était sûre, sa volonté de convaincre émouvante.

Depuis 1976, le Directeur est un ancien qui vient de donner un courageux témoignage de son idéal laïque et qui ne demande qu'à jouer sa partie dans notre concert. Retrouvez tous ensemble la consonance et le goût des grandes entreprises. Un signe du ciel m'avertit que tout ira bien désormais : un de nos pionniers UMBERTO BATTIST «le seul, l'unique» comme il dit, sorti de chez nous en 1958 vient d'être élu député de la gauche dans une circonscription où, bien entendu, il était le seul et unique candidat.

Encore une fois merci, au nom de nous trois.


Mesdames GIBON et MALEXIS ont félicité les nouveaux retraités et remis les cadeaux, gage de l'amitié.



Commentaires postés sur la publication Facebook de cet article


Jacques Hornez
Je ne l'ai jamais eu comme professeur mais les copains disaient que sur certaines copies copies il notait FCM ( fin de correction marginale) en d'autres termes ça voulait dire moyen en revanche je me souviens de la beauté grecque qui me donnait toujours la même note même quand je recyclais un dessin d'une autre classe ceci dit c'était des profs laïques et d'une culture immense ils ont marqué des générations

Jean-Louis Delaby
J'ai toujours eu un souvenir ému pour Monsieur Dumont...il m'a apporté beaucoup, en particulier un amour de la Grèce...son épouse était "la beauté grecque"...quel couple, quel engagement pour les normaliens...et quelle époque...

lundi 4 décembre 2023

Au temps des expositions de champignons à l'école normale d'instituteurs de Douai

 Expositions de champignons à l’ENG de Douai   



Cet article doit son existence à 2 écrans : celui de mon ordinateur où Jean Marie Devaux nous propose d’envoyer nos souvenirs pour contribuer à la rédaction du bulletin de l’Amicale. Je veux bien participer mais je n’ai pas d’idée quant au sujet ! Deuxième écran celui de la télé où l’agence nationale de sécurité attire l’attention des apprentis mycologues qui utilisent une application gérée par Intelligence Artificielle. On prend une photo avec son téléphone et l’application identifie le champignon mais la démarche n’est pas assez rigoureuse et les intoxications alimentaires se multiplient chez les mycophages.


A ce moment des souvenirs reviennent à propos de mon collègue Paul Gibon, professeur de sciences naturelles et membre éminent  de  la Société mycologique du Nord.

Certes les informations visuelles orientent vers le nom d’un champignon mais Paul croisait les informations : odeur, toucher,et surtout observations  microscopiques comme celles des spores. Les soirs d’automne les déterminations délicates étaient reprises collégialement et convivialement par les amis et collègues de la société mycologique parmi lesquels Régis Courtecuisse, professeur à la faculté de pharmacie de Lille. Il propose un guide des champignons de France chez Delachaux Niestlé. On était encore loin de l’Intelligence Artificielle !!!  


C’est Paul qui mobilisa naturellement pendant plus d’une décennie (années 70) toute l’ENG de Douai pour organiser chaque mois d’octobre une remarquable exposition de champignons. La salle de sciences naturelles était banalisée (nos collègues physiciens nous accueillaient dans leurs salles pour nos cours) les tables de travaux pratiques mises bout à bout et le chauffage était coupé. Le dimanche   précédent était consacré à la récolte des spécimens. Paul Gibon arpentait la forêt de Marchiennes avec ses enfants , il faisait aussi une incursion en forêt de  Bonsecours où il espérait trouver des cortinaires. Les 2 autres profs René Guilmot et moi-même, entraînés dans le mouvement, on sillonnait la forêt de Desvres avec conjoints, enfants et amis, au total 20 à 30 personnes. On remontait toujours le même sentier forestier et le premier qui trouvait des hydnes pied-de-mouton (de couleur crème avec des aiguillons sous le chapeau et excellent comestible) s’attirait les regards envieux des autres participants, il prenait alors l’attitude triomphante d’un chasseur cueilleur des temps préhistoriques.


Le premier qui repérait un petit champignon tout violet déclenchait l’intervention du prof le plus proche ; Laccaria Laccata variété Améthystina. Le champignon est commun et la phrase était toujours prête car elle déclenchait des regards admiratifs pour le « Savant » !!!

Avant d’y perdre ses bottes, on s'arrêtait sur le sentier boueux pour rendre hommage à l’Osmonde Royale, une grande fougère assez rare et protégée. On remontait le chemin jusqu’au bois de pins où on espérait apercevoir  les chapeaux violet-pourpré de la russule sardoine.

   

De retour dans la clairière, au bord de la départementale, on vidait les paniers et on triait les cueillettes, les champignons intéressants et en bon état étaient déposés avec précaution dans les caisses au fond des coffres de voiture des profs.

   

Le lundi matin vers 8 heures tous les cueilleurs, les profs et les normaliens convergeaient vers la salle de sciences pour exposer les trouvailles. Paul Gibon confirmait les déterminations et on installait les spécimens avec leur nom sur une étiquette  sans toujours  suivre une classification rigoureuse : on les rassemblait par formes , par lieux de vie. On prenait soin aussi de présenter la partie souvent inconnue de cet être vivant : les filaments du champignon, c’est à dire le mycélium, le plus souvent dissimulé dans le support. L’armillaire couleur de miel était un bon outil pédagogique  car le plus souvent sur les échantillons récoltés, il montrait les filaments noirs du mycélium et les appareils reproducteurs ou carpophores avec des chapeaux couleur de miel, appréciés des familles polonaises pour confectionner des soupes.
   

A côté des classiques champignons avec chapeau portant  des lamelles ou non, on proposait aussi des formes inattendues : des plaques, des coupes, des boules, des cornes de cerf… L’exposition rassemblait chaque année près de 200 champignons différents. Sans grand discours médiatique, nos visiteurs construisaient leur concept de Biodiversité. Bien sûr, pour les mycophages ou les nostalgiques des chasseurs cueilleurs préhistoriques, on complétait les informations : excellent, comestible, comestible cuit ou sans alcool, toxique, mortel. Tous les ans, on nous apportait quelques échantillons d’amanite phalloïde avec leur pied à volve , leur chapeau olivâtre, leurs lamelles blanches, on installait ces champignons mortels en dehors de la portée de nos visiteurs car on recevait aussi les enfants de l'École Annexe. Les enfants admiraient les amanites tue-mouches (chapeau rouge à écailles blanches) d’autant plus qu’on disposait, près du champignon, l’album de Tintin “l’Etoile Mystérieuse”.



Les normaliens n’étaient pas insensibles à Tintin bien sûr mais marquaient d’autres points d’observation.

Les gourmands salivaient devant les cèpes étiquetés bons comestibles, les sportifs donnaient, en rêve, un coup de pied dans la grosse boule blanche bourrée de spores de la vesse de loup (ou lycoperdon ), les fins limiers ne voyaient pas le chlorosplénium bleu-vert mais déduisaient sa présence sur les branches tombées par la coloration bleu-vert du bois ; les plus cultivés retrouvaient les sculpteurs hellènes avec la victoire de Samothrace dessinée par les circonvolutions d’un polypore coriace, le ganoderme luisant. Tous s’arrêtaient devant le phallus impudicus : sa forme déclenchait rires et quolibets. On ne profitait pas de son autre nom satyre puant car ici l’odeur cadavérique n’était pas perceptible, les échantillons étant enfermés sous la cloche en verre hermétique prêtée par  les physiciens. Dans les sous-bois, cette odeur attire les mouches qui favoriseront la dispersion des spores..


A l'École Normale le mercredi midi toute la gente mycologique avait droit aux sacs poubelles sauf « la victoire de Samothrace » qui résistait d’une année sur l’autre. Mais l’ENG  n’était pas pour autant privée de champignons.  Paul Gibon avait identifié sur les pelouses devant la statue d’Hercule des ronds de sorcières : des Marasmes d’Oréades, des champignons marron-clair disposés en cercle. A partir de la spore initiale, les filaments se développent d’une façon centrifuge et les carpophores apparaissent à la périphérie de la circonférence. Paul envisageait que chaque année les normaliens puissent mesurer avec la chaîne d’arpenteur l’extension du cercle.


Avec l’évolution de la formation, les expositions ont été abandonnées et les sorties préparatoires du dimanche aussi. Récemment, après d’amicales pressions familiales, René Guilmot a relancé la sortie champignons à Desvres par un beau dimanche d’octobre ensoleillé. On y retrouve les anciens toujours aussi motivés et des plus jeunes, des adolescents qui demandent dès le mois de Juillet  : “c’est quand la sortie champignons cette année ?”

Les jeunes apprécient la sortie collective en pleine nature et le petit repas convivial qui suit ; une proposition qui les éloigne pour quelques heures de leur téléphone portable ???





Francine  Malexis

Professeur de sciences naturelles à l’ENG 1965-1984

IA-IPR de sciences de la vie et de la terre en retraite 

jeudi 12 avril 2018

Jubilé de la promotion 64 68.Une belle rétrospective en vidéo et en images préparée par André Pruvost










Notre voyage de promotion, marquant la fin de nos 4 années d’études à l’EN,  devait se dérouler en mai 1968, la destination choisie étant la Tunisie.Evidemment, cela ne s’est pas passé comme prévu !  50 ans plus tard, il fallait donc rattraper le coup !  

Environ 80 camarades de notre promotion ont été retrouvés. 27 ont participé au jubilé. 19  compagnes nous ont accompagnés.
Pour la petite équipe qui s’est mise au travail dès 2014, plusieurs challenges devaient être relevés.
D’abord, comment se reconnaître après toutes ces années ?  Un trombinoscope comparatif a été mis au point un mois avant le jour « J »  Chaque jubilaire nous a envoyé une photo récente. Nous avons mélangé le tout avec nos trombines d’époque relevées sur les photos de classe. Le jeu consistait à rapprocher les 2 clichés.
Le jour J, nous avons muni chacun d’un badge avec son identité et sa photo d’époque. On évitait ainsi de se demander toute la journée : qui c’est celui-là ?
Calme absolu devant le monument aux morts pour saluer la mémoire des normaliens de Douai qui n’ont pas eu le temps de voir leurs élèves. Le temps quand même pour nous de vérifier que tout le monde était bien arrivé et avait  fixé son badge.
On pensait  naïvement que les souvenirs remonteraient à la surface au fur et à mesure que le champagne descendrait dans les bouteilles. Erreur : les souvenirs sont remontés tout seuls, bien avant la première coupe !
Un petit film d’une demi-heure avait été conçu en mixant les photos d’époque avec les chansons d’époque : quand on mélange les souvenirs visuels et sonores, l’effet est saisissant.  Tellement saisissant que plus personne n’écoute les commentaires pourtant élaborés minutieusement.
Nos compagnes découvrent nos pitreries d’ado. Et finalement, quand est-ce que vous travailliez ?  Souvent. Mais pendant les cours et  en étude surveillée, on ne pouvait pas prendre de photo.
Séquence nécrologie : nos camarades disparus défilent sur l’écran. Ainsi soit-il   ou comme disent les Beatles : let it be    C’est la musique que nous avons choisie pour leur rendre hommage. C’est aussi à ce moment précis que nous rajeunissons de 50  ans.
A la cantine…c’était très bon d’après ce que nous ont dit nos compagnes.  Pour nous, la quantité de souvenirs qui sortait de notre bouche rendait l’ingestion des aliments difficile, puisque tout passe par le même trou. On fait donc confiance à nos compagnes : ça devait être très bon.
C’est fini. Personne n’ose dire : à l’année prochaine… Mais tout le monde y pense.
Qui va prendre l’initiative ?

De la part d’André PRUVOSTPour l’équipe qui a organisé ces retrouvailles.


Discours de Robert FOURIOT


Le dimanche 8 avril 2018 au cours de la journée des retrouvailles de la promotion 1964/1968 de l’Ecole Normale d’Instituteurs de DOUAI

Je me souviens de Georges Hage,  dit Johage,  qui après avoir tenté de nous apprendre à nager au prix d’efforts très mesurés,  entama une carrière dans d’autres eaux, moins aseptisées,  celles de la politique.
Je me souviens de ce professeur de musique qui,  avec  talent et patience,  réussissait  à nous apprendre des airs difficiles du répertoire classique. Nous qui dans nos milieux modestes n’avions pas toujours eu l’occasion de taquiner la muse, découvrions et interprétions très  honorablement « La romance à l’étoile », « l’air de Papageno », « le bouillant Achille », ou autre « Largo de Haendel ».
Je me souviens de Monsieur Dubus, du rituel de début de l’heure par une courte interro orale : « Who is John ? », « John is a boy », « Eighteen », ce 18, faute de faire de nous des virtuoses de la langue de Shakespeare, permettait au moins d’améliorer la moyenne.
Je me souviens du vendredi soir à la cantine, quand nous chantions à tue-tête « Vive le vent, vive le vent, vive le vendredi, car demain c’est samedi et on fout l’camp d’ici ».
Je me souviens du ciné-club, « les yeux sans visages », « la Marseillaise », « le caporal épinglé », « la grande illusion », des sorties au petit  théâtre bonbonnière de Douai ; notre comportement n’y était pas toujours exemplaire. , dans le rôle de Don Juan, s’est interrompu, a déclaré qu’il attendait que nos conversations plus importantes que le texte de Molière s’achèvent. Une belle claque pour les futurs enseignants.
Je me souviens des aide-mémoire de Grec et Latin qu’on nous fit acheter sans qu’aucun cours de langue morte ne fût jamais prodigué dans ce vénérable établissement entre 1964 et 1968.
Je me souviens du séjour à Fourmies et Anor, des plongeons dans le lac glacé, sous l’œil impavide (et un peu vide) de Johage, déjà nommé, des après-midi où nous herborisions sous la houlette de Monsieur Gibon, avec un enthousiasme que nous avions du mal à dissimuler.
Je me souviens des mets de choix que nous dégustions à la cantine. La confiture à base d’alginate de sodium nous a laissé un souvenir ému.
Je me souviens du couple mythique Popaul et Miss Doum, les Sartre et  Beauvoir de la rue d’Arras.
Je me souviens de Cazenave, qui faisait chanter son accent du Sud-Ouest dans la salle de sport, et nous lâchait sur le goudron du terrain pour des parties de rugueby endiablées, à la suite desquelles l’infirmière, médusée, voyait venir des cohortes d’amochés.
Je me souviens des petits matins blêmes où un prof de gym sadique nous emmenait faire un « canal » ; nous partions d’un pont pour gagner le suivant, un pont trop loin, invisible dans la brume ; nous traversions et revenions  par l’autre rive en crachant ce qui nous restait de poumon.
Je me souviens des Lagarde et Michard, tant décriés par l’intelligensia, mais qui nous firent découvrir les trésors de notre littérature.
Je me souviens des aventures de Zorro et du sergent Garcia, qui passait sur la première et unique chaîne de l’ORTF, le jeudi soir. Afin d’être bien placés, certains camarades faisaient l’impasse du dessert pourtant succulent du souper, pour se précipiter vers la salle de télé.
Je me souviens de Johnny qu’Antoine voulait mettre en cage à Médrano,  de ses portes du pénitencier devenues pour nous les portes de l’école normale qui  bientôt allaient se refermer. En 1885, 1 million de personnes assistèrent à l’enterrement de Victor Hugo ; en 2017, les funérailles de Johnny ont déplacé une foule aussi nombreuse, plus un président.
Que de progrès accomplis en 150 ans.



Petite rétrospective en images de la journée rassemblées dans cette vidéo :





La fête est finie.




Je remercie bien sincèrement les camarades qui m’ont dit  leur satisfaction pour l’organisation de cette journée.  Mais, avec les moyens modernes, notamment l’annuaire et le courrier électroniques, ce n’était vraiment pas difficile. Certes, il fallait en prendre l’initiative. Ma crainte était que peu de camarades s’engagent, ou que vous ne vous reconnaissiez pas, ou que les souvenirs tardent à poindre. Sur tous ces points, je pense que les présents sont, comme moi,  satisfaits.
Je voudrais associer à nouveau Marc Delmotte qui est partant depuis le début et qui a retrouvé des camarades bien « planqués » Jean Bernard Marlier pour son trombinoscope « comparatif »  et pour le film des événements qu’il est en train de réaliser, et Jean Alain Strady qui m’a remotivé à l’approche du jour « J »
L’an prochain, le banquet des anciens est fixé au dimanche 7 avril.  Ce sera une année sans jubilé. En effet, la promotion qui devait fêter son cinquantenaire, la 65/69, a bénéficié de 2 ans de FP et n’est donc sortie qu’en 1970. Donc, si quelqu’un se sent une âme d’organisateur… Sachez cependant que le Conseil d’Administration de l’amicale a décidé de réserver dorénavant le banquet aux adhérents.

Il me reste à vous donner rendez-vous pour le centenaire en 2068. Vous pouvez compter sur moi pour l’organiser. D’ici là, si vous le voulez bien, à vous de jouer.
Dédé