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dimanche 26 février 2023

Philippe BOURDEAU, promo 64 68, est décédé le 24 février 2023 à 74 ans. Georges Wosik nous en fait part

 


classe de "maths élém", année scolaire 66 67, Philippe Bourdeau au 2è rang le premier à gauche

SUR "COPAINS D'AVANT", Philippe BOURDEAU avait précisé son parcours scolaire :

École Jules Ferry (Templeuve)  -  Templeuve - 1954 - 1959

Collège D'orchies  -  Orchies - 1959 - 1964

Institut Universitaire De Formation Des Maîtres (Antenne)  -  Douai - 1964 - 1968

Il avait été titularisé dans le corps des inspecteurs d'académie-inspecteurs pédagogiques régionaux à compter du 1er septembre 1999.

Il était membre assidu de notre amicale...


Des réactions parviennent déjà à l'annonce de son décès :

"Mes sincères condoléances. Philippe fut mon inspecteur quand j'étais enseignante, mon collègue quand j'étais jeune inspectrice dans le 62. Soutien à ses enfants, sa famille et tous ses anciens collègues". Claudine MASSART


"Ma promo, sincères condoléances à la famille et aux amis", Marie Paule Déruelle-Leblois.


Toutes mes condoléances à la famille . J'ai bien connu Philippe alors que nous étions surveillants dans les années 70, je l'avais revu avec plaisir lors du dernier repas des anciens et il m'avait appris qu'il était à Cambrai . Il était venu avec Jacques Hornez. J'ai aussi une pensée pour Marie-Thérèse avec qui j'ai débuté à Lallaing Bois Duriez en 1970 ...

Jean Louis Delaby



Je garderai de Philippe le souvenir d'un homme attaché à l'éducation de la jeunesse, attentif aux autres et sensible à la contradiction. J'adresse mes plus vives condoléances aux membres de sa famille.
Marc Loison historien de l'éducation
Docteur en histoire de l'éducation et sciences de l'éducation, (Marc Loison est maître de conférences honoraire en histoire contemporaine de l'IUFM Nord-Pas-de-Calais et de l'université d'Artois NDLR). 10/03/2023



Avis de décès
DOUAI, TEMPLEUVE

Anne-Florence et Benoit TROLET-BOURDEAU,
Emmanuelle BOURDEAU et Benoit JALABERT, ses enfants,
Maxime, Victor, Antoine, ses petits-fils,
Emilie, sa petite-fille,
toute la famille et ses amis,

ont la douleur de vous faire part du décès de

Monsieur Philippe BOURDEAU

Inspecteur d’académie honoraire
Commandeur de l’ordre des Palmes académiques


survenu le vendredi 24 février 2023, à l’âge de 74 ans.

Ses funérailles civiles auront lieu le mercredi 1er mars 2023 à 16 h 30 au crématorium de Roost-Warendin où l’on se réunira à 16 h 15 pour un dernier hommage.

Selon ses volontés, son urne sera scellée sur le monument de famille
du cimetière de Templeuve dans l’intimité familiale.

Dans l’attente des funérailles, Monsieur Philippe BOURDEAU
repose à la Maison funéraire, 304, rue de Cambrai à Douai,
où la famille recevra les visites les lundi 27 et mardi 28 février 2023
de 16 h 30 à 18 h 30.

POMPES FUNÈBRES GÉNÉRALES
304, rue de Cambrai - 59500 DOUAI ✆03.27.88.85.04

vendredi 24 février 2023

Le Pavillon des sciences, un lieu mythique au sein de l'école normale d'instituteurs de Douai, abandonné en 2009 et aujourd'hui en travaux entrepris par le département. Pour quelle destination ? Visite des lieux et séquence émotion par Georges Wosik (promo 76 78)

 



Un lieu mythique

Photo colorisée du pavillon des sciences en 1936

2009 : abandon programmé du Pavillon des Sciences Naturelles de l’ex-ENG, aménagé, je suppose, à la création des Écoles Normales, puis entretenu, bichonné, enrichi chaque jour de chaque année par de multiples trouvailles diverses et ses professeurs bienveillants (1).

 Un antre vieillot, haut de plafond, dont chaque pan accueille une bibliothèque vitrée, exhibant au regard des curieux tout un fatras de bestioles, livres, ossements, moulages et autres microscopes par dizaines.

Un silence religieux plane dans cette enfilade de salles, salles de cours envahies de béchers et appareils d’alchimiste, salles de stockage de matériels pédagogiques.

A tout moment, le regard est attiré par des objets aux formes étranges, aux fonctionnalités inconnues, brillant dans les recoins des placards laissés entrouverts, et, aiguisant presque une fascination quelque peu malsaine pour cette grotte hors du temps.


2009 : drame, catastrophe. Fermeture annoncée, placards fermés, objets laissés à l’abandon comme après une attaque de zombies précautionneux, silence uniquement ponctué de grincements et craquements. 

La cafetière est toujours branchée, les dessins d’enfants et autres faire-part de naissance toujours accrochés en bonne place, à peine décolorés par le soleil qui peine à se frayer un chemin dans ce désordre. Le Pavillon des Sciences est à l’abandon, eau et électricité coupées, prenant mollement la poussière, reliques se liquéfiant doucement, les professeurs ne veillant plus sur ces trésors, chassés de leur tanière par une force obscure.

Visite, de ce qui fut pour moi un haut lieu d’apprentissage lorsque j’étais élève-maître, l’ultime visite, la dernière en ce début d’automne sous nos latitudes nordiques, tempête, vent, pluie et ciel gris. 

Ouverture de la première porte dans un grincement sinistre, et narines aussitôt envahies par l’odeur si caractéristique de formol et de poussière.

Traversée de la première salle de cours, vide, timidement nimbée par la lueur blafarde d’un lampadaire asthmatique. Sur l’estrade, une collection de papillons à faire pâlir d’envie le moindre entomologiste. Casiers ouverts, vomissant au sol des pelletées de préparations de cours, examens, livres, exercices divers.

Porte, premier laboratoire : armoires de bois toutes en hauteur, panneaux coulissants s’ouvrant à grand peine dans un crissement agressif pour les tympans. Moulages de fossiles de dinosaures, dents de rhinocéros laineux, silex. Une autre armoire dévoile un troupeau impressionnant de microscopes en totale liberté, à socle en fonte, et leurs boîtes idoines. Une étiquette sur une étagère porte la mention « Les champignons », et, pas de surprise, il y a bien des champignons ! Un buffet recèle une collection effrayante d’animaux et végétaux innocents, figés pour l’éternité dans la torpeur du formol. Étoiles de mer, holothuries, épeires par grappes, vous reprendrez bien une louche d’embryons de lapins ?

Porte, seconde salle de cours : dépouillée, blanche, presque propre, presque nette, presque rassurante par rapport au reste des lieux, mais, ô surprise, qu’est-ce donc que cette chose blanchâtre, là-bas au loin ? Un squelette de chat ! Tabernacle.

Porte, couloir désert, troisième salle de cours : débarrassée de tout contenu d’enseignement, ne subsistent que quelques placards, riches en découvertes. Des mandibules de chevaux, des crânes de carnivores non identifiés, de tailles variées, une colonne vertébrale, un pied et deux fémurs folâtrant aux côtés de dents de chat méticuleusement rangées et étiquetées dans de petits bocaux.

Porte, second laboratoire : l’antithèse du premier, plus clair, blanc, aéré, moins fouillis. L’exploration du labo de biologie peut commencer. Tiens, un cœur de truite en plastique démontable. Qu’y a-t-il dans ces bocaux ? Beurk, on dirait un mélange de poumons et de cerveaux ! Soudain, une pause s’impose alors, pour improviser un tango diabolique avec l’écorché en plastique, aux yeux exorbités, qui n’est pas sans rendre un hommage discret au Cavalier de l’Apocalypse de Fragonard. Ah cet écorché ! Il m’avait valu - élève-instituteur en 1976 - une remarque amusée de ma professeur de sciences, madame Malexis : alors que mon voisin de paillasse avait été pris d’un fou rire communicatif qui n’avait pas échappé à notre professeur, celle-ci me dit en souriant : « monsieur Wosik, si j’avais  imaginé un seul instant que l’écorché vous faisait tant rire, je l’aurais sorti à chacun de mes cours ! »

Une photo réalisée en février 2023 par Georges Wosik, prise à partir de la rue d'Albergotti montrant l'importance des
travaux réalisés sur l'ancien Pavillon de l'ENG


Suite de la visite : l'œil est alors attiré par des récipients de formes étranges et biscornues : racines de jacinthes, tubercules de dahlias, nous voilà donc au rayon botanique. Mais, que contient ce tube bleuâtre ?  Des embryons de souris classés par stade de développement. Je pense que le qualificatif « migon » n’est pas le plus adapté pour dépeindre cette chose !

Porte, dernière salle de cours (en contrebas) : dans mes souvenirs, il y avait autrefois un squelette humain complet dans un coin, mais il s’est volatilisé, envolé, a pris la poudre d’escampette pour aller rejoindre ses copains et faire la fête ! Une maquette de « la butte à Gibon » (2) de plusieurs m² prend dignement la poussière aux côtés d’un cygne naturalisé. La curiosité me pousse à ouvrir les placards, et, surprise : des taenias, vers, parasites, toute une gamme d’horreurs équivalentes trônent sur les étagères vétustes.

Après un dernier tour d’exploration dans un cagibi où s’entassent des cartes pédagogiques par dizaines, il est temps de reprendre cette enfilade de cabinets de curiosités, de fermer les portes et de clore une histoire plus que centenaire. Histoire de curiosité, d’intérêt, de fascination, histoire de collections, de vie, de mort, de cailloux et de microscopes.

Une fois le dernier verrou verrouillé, je me suis senti étrangement nostalgique de cette période où  nos professeurs respectifs suscitaient en permanence notre curiosité, l’élément moteur indispensable pour tout apprentissage réussi.

Le Pavillon des Sciences est désormais vidé de toute présence humaine, mais dont l’âme continue de planer, faisant grincer les planchers et couiner les fenêtres. 

En cette année 2023, des travaux de grande envergure sont entrepris par le département. Quelle sera la nouvelle destination de ces bâtiments qui ont abrité tant de curiosités et suscité tant d’interrogations par le passé ?


(1) Madame Francine Malexis, messieurs Gérard Allart, Raphaël Crépin, Paul Gibon, René Guilmot, Daniel Plumé, Victor Tryoën, les professeurs de SVT que j’ai connus

(2) Dans les année 1980, monsieur Gibon avait aménagé un immense jardin sauvage à la Porte d’ Arras devenue « butte à Gibon »



Georges Wosik

Ancien Responsable Pédagogique du Site IUFM de Douai (2011-2012)


Commentaires sur la publication : 


"Merci Georges, quel émouvant témoignage ..."

La cour de l'Horloge au fil du temps. De 2004, alors que l'ENG était vide avant sa renaissance par le biais de la création du Lycée d'excellence jusqu' à 2014 et 2016, à l'occasion de travaux importants de rénovation


Une photo de la cour de l'horloge prise à l'automne 2004 par Georges Wosik  : des bâtiments vides avant l'installation du Lycée d'Excellence. 




En avril 2014, la même cour de l'Horloge alors que d'importants travaux sont en cours



Avril 2016, la cour de l'Horloge dont la verrière est toujours en travaux. 





La même cour de l'Horloge dans les années 60

jeudi 19 novembre 2020

Bernard Mutelet, le dernier à avoir dirigé l'école normale d'instituteurs de Douai. Georges Wosik, promo 76 78, nous fournit deux textes précieux sur son arrivée à Douai en 1984 et son départ en 1991

 

Qui se souvient de Bernard Mutelet ? Il fut le dernier des directeurs de l'école normale de Douai, de 1984 à 1991, date de la création des IUFM. Nous lui avons consacré un article sur notre nouveau site normalien (cliquer sur le lien ) mais nous faisons appel à ceux qui l'ont connu pour nous aider à compléter la fiche biographique qui lui est consacrée. Envoyez vos témoignages ou documents à engiufmdouai@gmail.com


En réponse à notre appel, nous avons reçu de Georges Wosik, promo 76 78, ancien Responsable Pédagogique du Site IUFM de
Douai (2011-2012), le message suivant accompagné de 2 textes fort précieux que nous publions ci-dessous :

"Bonjour,

Suite à votre demande, je vous envoie 2 documents que vous pouvez publier dans le prochain bulletin de l'amicale :

- le premier, retrace l'arrivée de Bernard Mutelet à l'ENG

- le second est le discours énoncé par Pierre Herlent le 28 juin 1991 lorsque monsieur Mutelet quitte Douai : c'est en fait un discours qui retrace avec beaucoup de subtilité et d'humour les 7 années de direction  de Bernard Mutelet. Je vous souhaite bonne réception et reste à votre disposition." 
Georges Wosik


Premier texte :


L’arrivée de Bernard Mutelet un 24 août 1984


Après huit années passées à diriger l’Ecole Normale d’Instituteurs de Douai (de 1976 à 1984), Roger Beaucarne est nommé à l’EN de Lille. Fin août, je revois mon ancien Directeur qui m’annonce la venue de son successeur,   Bernard Mutelet en provenance d’Albi : je suis chargé de l’accueillir à l’ENG le vendredi 24 août.
Régulièrement, je guette l’entrée de la rue d’Arras. Brusquement, la sonnerie stridente du téléphone de service retentit vers 17 heures 30 : au bout du fil, une voix qui m’est familière, celle de monsieur Teston, concierge à l’Ecole Normale d’Institutrices. Il me demande de le rejoindre car un certain Bernard Mutelet s’est présenté au 161 de la rue d’Esquerchin prétendant être le nouveau Directeur !

J’arrive au pas de course rue d’Esquerchin : Une Peugeot 604 bleue immatriculée dans le Tarn, attelée à une caravane, barre l’entrée de l’ENF !
Monsieur Teston, visiblement paniqué, m’annonce que ce monsieur qui se tient debout près de sa voiture s’est présenté à lui en déclarant être le nouveau directeur alors que le matin même il avait encore croisé monsieur Élie Savoye (*) et que ce dernier n’avait nullement évoqué son départ de l’ENF !
Je m’avance vers Bernard Mutelet, visiblement surpris par la gêne occasionnée :
- je suis le nouveau directeur de l’Ecole Normale de Douai, j’ai appris ma nomination par téléphone (ministère) il y a peu de temps, me dit-il en toute humilité et en me serrant la main
- je suis bien au courant de votre venue lui répondis-je, en réalité il y a 2 Écoles Normales à Douai ! Vous n’êtes tout simplement pas à la bonne adresse !
Quiproquo levé, donc ! En soirée, après avoir échangé longuement avec mon nouveau Directeur, Bernard Mutelet m’a donné l’explication de son arrivée à l’ENF : lorsqu’il était IEN à Roubaix, il était venu en tant que membre d’un jury à l’ENF et il ignorait que Douai comptait sur son territoire deux écoles normales distinctes.
(*) : Élie Savoye a été directeur de l’ENF de 1983 à 1988. Il est décédé en 2011. (M. Chabbert deviendra le premier directeur d'un I.U.F.M. qui regroupe les deux ex-Écoles Normales, et voit " la Chute du mur de Douai ").                                      
                                                          Georges WOSIK

deuxième texte :


Discours de Pierre Herlent (professeur agrégé de Lettres à l’ex.ENG) lors du départ de Monsieur Mutelet et de Mademoiselle Vandrisse 

(Discours prononcé le 28 juin 1991 dans la chapelle de l’ex ENG)

Monsieur le Directeur, madame l’Attachée d’Intendance, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,

 Lorsqu’un nouveau venu prend ses fonctions dans un établissement, les discours qui l’accueillent -pour sympathiques qu’ils soient- n’en demeurent pas moins, d’une relative brièveté. Il n’en est pas de même lorsqu’ils s’en vont. Je vois deux raisons à cet état de fait :
La première est que les nouveaux arrivants sont souvent peu connus, mal connus, voire totalement inconnus de ceux qui les reçoivent comme collègues ;
La deuxième, surtout lorsqu’il s’agit de personnalités dotées d’un pouvoir dirigeant, parce qu’il est prudent de rester prudent, et de ménager l’avenir.
En revanche, la même circonspection n’est plus de mise le jour d’un départ : il n’y a plus d’avenir à ménager. En outre, dans l’intervalle des liens ont été noués, tout un passé de bons et de mauvais moments s’est tissé avec lesquels il faut comme au rugby, opérer une sorte de transformation : les faire entrer dans la mémoire. C’est, je crois le sens des mots que je vais prononcer maintenant, même s’ils n’engagent que moi et si chacun à accomplir pour lui ce travail de catharsis.

Vous m’avez confié un jour, sous le sceau du secret, c’est-à-dire, probablement dans la galerie, qu’avec la maturité, sinon une passion, du moins un goût plus prononcé vous était venu pour l’histoire. C’est donc en historien que je tenterai de dresser à grands traits le bilan de ces années que vous avez passées dans notre ancienne Ecole Normale. Je ne doute pas que, ce faisant, je fasse la preuve, à l’inverse que je n’ai jamais eu le moindre talent pour entretenir avec Clio, la muse qui vous chatouille, autre chose que des rapports de bon voisinage. Ces années que vous avez passées ici comme Directeur, la tentation est forte de les désigner par les mots de « règne », ou de septennat. S’il m’arrive d’employer ces termes, j’espère qu’on n’y entendra pas malice : je n’en ai pas trouver d’autres. Le mot « mandat » ne convient évidemment pas. Qu’on admette donc qu’il s’agit de simples métaphores.
Je commencerai par votre travail à l’intérieur. Certains s’attendent peut-être à des révélations fracassantes sur votre service de renseignements, à l’ouverture d’un dossier sur des micros secrets, des écoutes téléphoniques. Je ne m’y risquerai pas. Vous avez sans doute été informé, mais je laisse aux oubliettes de l’histoire, l’entier mystère de ce savoir faire.
On m’a dit aussi que vous aviez eu en matière de cabinets -c’est bien du domaine de l’intérieur dont je parle- une politique audacieuse, marquée par un égalitarisme volontaire et une opiniâtreté à l’égard notamment des services de mademoiselle Vandrisse qui fut triomphante. Vous en parlerez peut-être et sans doute mieux que moi.
Non, ce que je voudrais souligner aujourd’hui, d’un point de vue purement professoral peut-être, dont je m’excuse, c’est la somme considérable de papiers que vous nous avez fait remplir :
- vous avez toujours eu une affection particulière pour les cahiers d’U.F.(1), témoins de l’activité débordante de cette école ;
-vous avez agi avec insistance pour que soient établis avec les élèves ces contrats irréprochables que nous appelions « plans d’U.F. (2) et qui devaient nous assurer de solides arrières ;
-vous avez rétabli, pour ce qu’un collègue (3) aujourd’hui émigré dans le Velay appelait la « levée d’écrou », à savoir les autorisations de sortie, la règle qui consiste à les remplir en triple exemplaire, conformément sans doute à un article précis du règlement que vous sauriez nous citer de mémoire ;
- vous avez présidé à la refonte de ces cahiers de stages pour lesquels les instituteurs et les formateurs ont toujours montré des sentiments mitigés ;
- enfin, vous avez eu un respect très particulier pour ce cahier de concertation, recueil de nos décisions communes, dont vous aviez grand soin de vérifier l’inscription surtout quand elles émanaient de votre pensée par un péremptoire « notez monsieur Wosik » et où personnellement je n’ai jamais retrouvé la substance de mes interventions pourtant subtiles. Avez-vous conscience, madame l’Intendante, d’avoir financé ces dépenses somptuaires en papier et d’avoir ainsi contribué sinon au déboisement du patrimoine français, du moins au déficit de la balance nationale ? Quoi qu’il en soit, monsieur le Directeur, vous laissez derrière vous des archives colossales. A ce propos, laissez moi poser une question et exprimer une inquiétude : que vont devenir ces papiers précieux, témoins d’une vie exubérante, d’une créativité inépuisable et des conflits inévitables qui les ont ponctués ? Les avez-vous microfilmés ? Avez-vous songé à les mettre à l’abri de l’envahisseur ? Nul doute qu’ils pourraient servir à nourrir un jour, la réflexion d’un chercheur en Sciences de l’Education s’interrogeant sur la protohistoire des Centres Universitaires de Formation des Maîtres.
Si j’ai bien compris, en matière de gouvernement, votre regard a toujours été tourné vers l’Est. Le concept de perestroïka, devenu dans votre bouche la transparence, a été une clé de voûte de votre septennat. C’est à vous, plutôt qu’aux événements relativement récents des pays Baltes que nous devons d’avoir ouvert les yeux sur les limites d’une politique inaugurée par monsieur Gorbatchev. Et il me semble que dans les signes lisibles aujourd’hui, on peut relever, qu’au moment où vous partez pour Villeneuve d’Ascq, vient au premier plan monsieur Elstine, grâce auquel vous pourrez modifier vos chevaux de bataille. Vous voilà peut-être entré dans une phase de libéralisme centraliste ?

Mais venons-en aux relations extérieures : j’irai vite. Vous avez été un homme d’accueil et d’ouverture sur l’étranger. Je ne citerai pas ici les divers organismes qui ont trouvé asile dans notre enceinte. Mais c’est à vous que nous devons d’avoir reçu plusieurs années de suite des étudiants marocains ainsi que des religieuses venues du Liban. Cette ouverture de nos frontières est indéniable, et sont tout à votre honneur. Elles ont valu, à mademoiselle Vandrisse et moi-même, une visite nocturne du métro de Lille qu’elle ne connaissait pas. Nous avions pris, avec le professeur marocain que nous chaperonnions, la place fictive du conducteur ; le vent s’engouffrait dans nos cheveux, la vitesse nous grisait, nos yeux scrutaient l’obscurité blafarde… Une tranche de vie dont je me souviendrais longtemps et que nous devons à vous, monsieur le Directeur.
Nos pires ennemis sont nos voisines les plus proches. Vos rapports avec nos collègues de l’Ecole Normale d’Institutrices ont toujours été d’une extrême rigueur comparable, mutatis mutandis, aux réticences d’une madame Thatcher vis à vis de ses partenaires européens ou plus lointainement d’un certain Général.
Vous avez su faire taire les sirènes d’une collusion trop rapide, bien qu’inéluctable aujourd’hui. Tout en ménageant la nécessaire collaboration, vous avez su maintenir les distances garantes de l’identité des uns et des autres. Bref, pour prendre un langage imagé, vous avez pratiqué la politique de la petite porte ouverte, sans adopter celle de la démolition des murs.
Néanmoins, lorsque vous êtes arrivé, à Douai, un certain 24 août 1984, par la voie royale de la rue d’Esquerchin, il paraît que c’est au numéro 161 que vous vous êtes présenté. Permettez-moi d’émettre ici une question et ce n’est plus l’historien qui analyse mais la psychologie des profondeurs qui s’interroge : n’y-a-t-il pas eu dans cet acte manqué, les prémices douloureux d’un désir latent, refoulé, la naissance d’un amour d’autant plus violent et ambigu qu’il ne trouva jamais son accomplissement ?

Les grands règnes sont des règnes de bâtisseurs. Les grandes civilisations laissent des temples. Je n’en finirais pas d’énumérer, les pyramides, le Parthénon, Versailles, le Centre Pompidou, l’Arche de la Défense… Je compte à votre actif, et à celui de madame la surintendante, avec laquelle vous formez le couple infernal dans l’Histoire, non seulement d’avoir contribué au maintien du monument aux vivants que votre prédécesseur (4) avait érigé, en exigeant sa restauration par les mains iconoclastes qui l’avaient endommagé -lors d’une invasion barbare- mais encore d’avoir ajouté à l’embellissement de notre parc, en présidant à la construction, en apparence plus modeste, mais bien mieux située, d’un canon solaire.
Permettez-moi une rapide et superficielle étude comparative de ces deux chefs-d’oeuvre : ils sont tous deux situés dans les extérieurs et destinés à braver les intempéries. Que feraient-ils dans une de nos salles ? Ils sont constitués l’un et l’autre des mêmes matériaux : une base de maçonnerie, une ornementation de terre cuite et vernissée. Ils comportent chacun des inscriptions. Face à l’avenir qui nous préoccupe tous, je me pose néanmoins quelques questions. Nos petits enfants de l’an 2000, devant ces énigmes architecturales sauront-ils encore reconnaître que la spirale du monument aux vivants a été calculée approximativement dans un rayon variable sur la trajectoire de la comète de Hallez ? Sauront-ils deviner que votre fameux canon, que je n’ai jamais entendu fonctionner, pareil à l’Ixion cher à Apollinaire, vous savez, ce personnage mythique qui engrosse les nuages, ce fameux canon dis-je, est autre chose qu’un hymne vibrant et sempiternel, aux brumes, aux brouillards, à la bruine du printemps et à tous les miasmes polluants ?
Il est temps de citer pour montrer l’ultime élégance de votre fin de règne un proverbe anglais. Excusez mon accent : « When the boat sinks, the captain has to drink the cup », ce qui veut dire : quand le bateau coule, le capitaine doit boire la tasse. Vous avez réussi, monsieur le Directeur, madame l’intendante, à faire coïncider la fin des Ecoles Normales avec la fin de votre fonction, si bien que j’en suis intimement convaincu, personne n’évoquera avec nostalgie les figures marquantes qui ont présidé à ces temps. Pour ma part, j’espère avoir contribué modestement à célébrer l’événement de cette révolution, au sens où quelque chose est maintenant révolu.
Il me fallait pour terminer une dernière métaphore : vous affectionnez les comparaisons guerrières. Combien de fois m’avez-vous dit que vous étiez, que nous étions « toujours sur la brèche ! » J’informe au passage les populations qu’une brèche vient de s’ouvrir à Villeneuve d’Ascq. Je crains néanmoins que cette image ne donne à notre Education Nationale la réputation d’être un peu ébréchée. La métaphore que je choisirai est d’ordre sportif : au moment où vous prenez un nouveau départ sur les starting-blocks de l’IUFM, je souhaite que vous entriez d’un pas allègre et entraîné dans la destinée incertaine qui s’ouvre ainsi, en vous souhaitant qu’elle vous mène quelque part !
Et puisque vous partez, monsieur le Directeur, madame l’Intendante : A VOS MARQUES !

                                        Pierre HERLENT


(1) cahiers d’U.F : cahiers des unités de formation. Documents rédigés par les formateurs quant aux contenus disciplinaires à dispenser 
(2) plan d’U.F : déroulement de l’unité de formation à l’intention des élèves instituteurs (modalités d’évaluation)
(3) il est fait référence à Marcel Laisne (collègue de français) qui avait obtenu sa mutation pour l’Ecole Normale du Puy en Velay.
(4) Roger Beaucarne avait fait ériger en 1983 un monument aux vivants où figuraient les noms d’anciens normaliens ayant une fonction élective