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jeudi 12 avril 2018

Jubilé de la promotion 64 68.Une belle rétrospective en vidéo et en images préparée par André Pruvost










Notre voyage de promotion, marquant la fin de nos 4 années d’études à l’EN,  devait se dérouler en mai 1968, la destination choisie étant la Tunisie.Evidemment, cela ne s’est pas passé comme prévu !  50 ans plus tard, il fallait donc rattraper le coup !  

Environ 80 camarades de notre promotion ont été retrouvés. 27 ont participé au jubilé. 19  compagnes nous ont accompagnés.
Pour la petite équipe qui s’est mise au travail dès 2014, plusieurs challenges devaient être relevés.
D’abord, comment se reconnaître après toutes ces années ?  Un trombinoscope comparatif a été mis au point un mois avant le jour « J »  Chaque jubilaire nous a envoyé une photo récente. Nous avons mélangé le tout avec nos trombines d’époque relevées sur les photos de classe. Le jeu consistait à rapprocher les 2 clichés.
Le jour J, nous avons muni chacun d’un badge avec son identité et sa photo d’époque. On évitait ainsi de se demander toute la journée : qui c’est celui-là ?
Calme absolu devant le monument aux morts pour saluer la mémoire des normaliens de Douai qui n’ont pas eu le temps de voir leurs élèves. Le temps quand même pour nous de vérifier que tout le monde était bien arrivé et avait  fixé son badge.
On pensait  naïvement que les souvenirs remonteraient à la surface au fur et à mesure que le champagne descendrait dans les bouteilles. Erreur : les souvenirs sont remontés tout seuls, bien avant la première coupe !
Un petit film d’une demi-heure avait été conçu en mixant les photos d’époque avec les chansons d’époque : quand on mélange les souvenirs visuels et sonores, l’effet est saisissant.  Tellement saisissant que plus personne n’écoute les commentaires pourtant élaborés minutieusement.
Nos compagnes découvrent nos pitreries d’ado. Et finalement, quand est-ce que vous travailliez ?  Souvent. Mais pendant les cours et  en étude surveillée, on ne pouvait pas prendre de photo.
Séquence nécrologie : nos camarades disparus défilent sur l’écran. Ainsi soit-il   ou comme disent les Beatles : let it be    C’est la musique que nous avons choisie pour leur rendre hommage. C’est aussi à ce moment précis que nous rajeunissons de 50  ans.
A la cantine…c’était très bon d’après ce que nous ont dit nos compagnes.  Pour nous, la quantité de souvenirs qui sortait de notre bouche rendait l’ingestion des aliments difficile, puisque tout passe par le même trou. On fait donc confiance à nos compagnes : ça devait être très bon.
C’est fini. Personne n’ose dire : à l’année prochaine… Mais tout le monde y pense.
Qui va prendre l’initiative ?

De la part d’André PRUVOSTPour l’équipe qui a organisé ces retrouvailles.


Discours de Robert FOURIOT


Le dimanche 8 avril 2018 au cours de la journée des retrouvailles de la promotion 1964/1968 de l’Ecole Normale d’Instituteurs de DOUAI

Je me souviens de Georges Hage,  dit Johage,  qui après avoir tenté de nous apprendre à nager au prix d’efforts très mesurés,  entama une carrière dans d’autres eaux, moins aseptisées,  celles de la politique.
Je me souviens de ce professeur de musique qui,  avec  talent et patience,  réussissait  à nous apprendre des airs difficiles du répertoire classique. Nous qui dans nos milieux modestes n’avions pas toujours eu l’occasion de taquiner la muse, découvrions et interprétions très  honorablement « La romance à l’étoile », « l’air de Papageno », « le bouillant Achille », ou autre « Largo de Haendel ».
Je me souviens de Monsieur Dubus, du rituel de début de l’heure par une courte interro orale : « Who is John ? », « John is a boy », « Eighteen », ce 18, faute de faire de nous des virtuoses de la langue de Shakespeare, permettait au moins d’améliorer la moyenne.
Je me souviens du vendredi soir à la cantine, quand nous chantions à tue-tête « Vive le vent, vive le vent, vive le vendredi, car demain c’est samedi et on fout l’camp d’ici ».
Je me souviens du ciné-club, « les yeux sans visages », « la Marseillaise », « le caporal épinglé », « la grande illusion », des sorties au petit  théâtre bonbonnière de Douai ; notre comportement n’y était pas toujours exemplaire. , dans le rôle de Don Juan, s’est interrompu, a déclaré qu’il attendait que nos conversations plus importantes que le texte de Molière s’achèvent. Une belle claque pour les futurs enseignants.
Je me souviens des aide-mémoire de Grec et Latin qu’on nous fit acheter sans qu’aucun cours de langue morte ne fût jamais prodigué dans ce vénérable établissement entre 1964 et 1968.
Je me souviens du séjour à Fourmies et Anor, des plongeons dans le lac glacé, sous l’œil impavide (et un peu vide) de Johage, déjà nommé, des après-midi où nous herborisions sous la houlette de Monsieur Gibon, avec un enthousiasme que nous avions du mal à dissimuler.
Je me souviens des mets de choix que nous dégustions à la cantine. La confiture à base d’alginate de sodium nous a laissé un souvenir ému.
Je me souviens du couple mythique Popaul et Miss Doum, les Sartre et  Beauvoir de la rue d’Arras.
Je me souviens de Cazenave, qui faisait chanter son accent du Sud-Ouest dans la salle de sport, et nous lâchait sur le goudron du terrain pour des parties de rugueby endiablées, à la suite desquelles l’infirmière, médusée, voyait venir des cohortes d’amochés.
Je me souviens des petits matins blêmes où un prof de gym sadique nous emmenait faire un « canal » ; nous partions d’un pont pour gagner le suivant, un pont trop loin, invisible dans la brume ; nous traversions et revenions  par l’autre rive en crachant ce qui nous restait de poumon.
Je me souviens des Lagarde et Michard, tant décriés par l’intelligensia, mais qui nous firent découvrir les trésors de notre littérature.
Je me souviens des aventures de Zorro et du sergent Garcia, qui passait sur la première et unique chaîne de l’ORTF, le jeudi soir. Afin d’être bien placés, certains camarades faisaient l’impasse du dessert pourtant succulent du souper, pour se précipiter vers la salle de télé.
Je me souviens de Johnny qu’Antoine voulait mettre en cage à Médrano,  de ses portes du pénitencier devenues pour nous les portes de l’école normale qui  bientôt allaient se refermer. En 1885, 1 million de personnes assistèrent à l’enterrement de Victor Hugo ; en 2017, les funérailles de Johnny ont déplacé une foule aussi nombreuse, plus un président.
Que de progrès accomplis en 150 ans.



Petite rétrospective en images de la journée rassemblées dans cette vidéo :





La fête est finie.




Je remercie bien sincèrement les camarades qui m’ont dit  leur satisfaction pour l’organisation de cette journée.  Mais, avec les moyens modernes, notamment l’annuaire et le courrier électroniques, ce n’était vraiment pas difficile. Certes, il fallait en prendre l’initiative. Ma crainte était que peu de camarades s’engagent, ou que vous ne vous reconnaissiez pas, ou que les souvenirs tardent à poindre. Sur tous ces points, je pense que les présents sont, comme moi,  satisfaits.
Je voudrais associer à nouveau Marc Delmotte qui est partant depuis le début et qui a retrouvé des camarades bien « planqués » Jean Bernard Marlier pour son trombinoscope « comparatif »  et pour le film des événements qu’il est en train de réaliser, et Jean Alain Strady qui m’a remotivé à l’approche du jour « J »
L’an prochain, le banquet des anciens est fixé au dimanche 7 avril.  Ce sera une année sans jubilé. En effet, la promotion qui devait fêter son cinquantenaire, la 65/69, a bénéficié de 2 ans de FP et n’est donc sortie qu’en 1970. Donc, si quelqu’un se sent une âme d’organisateur… Sachez cependant que le Conseil d’Administration de l’amicale a décidé de réserver dorénavant le banquet aux adhérents.

Il me reste à vous donner rendez-vous pour le centenaire en 2068. Vous pouvez compter sur moi pour l’organiser. D’ici là, si vous le voulez bien, à vous de jouer.
Dédé

jeudi 1 décembre 2016

À PROPOS DE PAUL ET YVONNE DUMONT, PAUL MAJOWSKI A RASSEMBLÉ QUELQUES-UNS DE SES SOUVENIRS ET DE SES RÉFLEXIONS SUR LE MÉTIER D'ENSEIGNANT

Rêveries d'un normalien de la promo 58-62 à l'E.N.G. de Douai

« Monsieur Gavériaux, allez donc nous chercher un rameau ». Jean-Pierre Gavériaux, flatté de la confiance que lui avait témoigné Mme Dumont, quitta son siège en faisant un geste à l'adresse de ses camarades de classe. Le cours d'arts plastiques reprit, Mme Dumont circulait entre les tables, encourageant les uns, conseillant ceux qui, malgré leurs efforts, n'obtenaient pas un bon rendu des  jeux de l'ombre et de la lumière sur les antiques bustes de plâtre. Un rameau ? Je songeais aux ruines romaines gagnées par  la végétation au cours des siècles.

Lorsque Jean-Pierre parut, rameau sur l'épaule, un rameau mais pas vraiment un arbuste, la classe le salua d'un énorme éclat de rire. Impassible, Mme Dumont saisit le rameau qui dépassait en taille ce qu'elle avait commandé. Jean-Pierre déjà très populaire à l'époque, se remit à dessiner sans se soucier du retard occasionné par son incursion dans le parc de l'école normale. 

Mme Dumont était appréciée de tous les potaches que nous étions, habituée à leurs facéties,  mais elle ne pouvait ignorer que nos regards étaient chargés d' une juvénile et admirative amitié. Nous la surnommions Miss Doum-Doum, « Doum » étant l'apocope de « Dumont » . Les promos antérieures nous avaient légué ce surnom. Avaient-ils trouvé un rapport entre « Dum » et « dumm » en allemand ? « Miss » lui allait bien, elle était notre Miss !

Mme Dumont assurait les cours d'histoire de l'art. Les documents nous étaient présentés en amphithéâtre, un antique épiscope projetait une image blafarde obtenue à partir d'un livre glissé dans l'appareil. Grâce à cette technologie rudimentaire nous découvrîmes les  somptueuses fresques du palais de Cnossos. Les belles crétoises, nous contemplaient,  l'oeil souligné de noir. Leurs coiffures libéraient une petite boucle sur le front, une autre plus ample le long du visage. La chevelure de Mme Dumont avait le charme de ces antiques coiffures si raffinées.

Un public restreint était concerné par des séances particulières afin de préparer le concours d'entrée au lycée Claude Bernard de Paris, lieu de formation des professeurs d'arts plastiques. J'en étais, avec peu de chances de réussite, car l'année du Bac me laissait peu de  loisirs pour m'entraîner. En revanche il m'est arrivé de côtoyer Claude Salomon de la 56-60 : j'étais fasciné par sa maîtrise de la technique des hachures obtenues avec plume à dessin et encre de Chine. Il fut admis à Claude Bernard . Alain Carré me signale que Roger Compagnon et Pierre Courtois formaient un trio de passionnés du dessin avec Claude Salomon . Mme Dumont a su guider, encourager ceux qui avaient des aptitudes particulières en arts plastiques. Cette élite pouvait accéder au grade de professeur certifié.

Ces souvenirs ne m'ont pas quitté depuis plus d'un demi siècle. Il fallut cependant que je contacte  Jean-Pierre . Déjà, au cours des assemblées générales, les copains de la 58-62 que je questionnais m'assuraient n'avoir aucun souvenir de l'incident du rameau. Jean-Pierre non plus, à ma grande déception ! Un pur fantasme, donc ? Ce fut l'occasion de discuter avec Jean-Pierre, sa carrière de principal de collège et de formateur de principaux vaut d'être signalée. 

Je revois dans ce passé maintenant si lointain les silhouettes de M et Mme Dumont alors qu'ils se dirigeaient vers leur DS Citroën. L'ample manteau de Mme Dumont ondulait au rythme de la marche, dans l'élégante simplicité de ce qui n'était pourtant qu'une banale routine. Dès qu'ils s'asseyaient, la suspension hydro-pneumatique laissait retomber la carrosserie. Au démarrage l'avant se soulevait dans un mouvement majestueux. M. Dumont avait actionné la commande assistée du levier de vitesse situé derrière le volant monobranche.

M. Dumont nous plongea d'emblée dans la dure réalité du travail intellectuel... avant que l'on ne puisse en recueillir les fruits. Je ne fus pas le seul à obtenir une note catastrophique à la première dissertation. Le choc d'un 6 sur 20 !
J'ai oublié l'intitulé du sujet , il me reste en mémoire qu'il s'agissait du rapport entre la littérature et l'histoire dans la lettre que Corneille adressa à Richelieu. Y étaient évoqués les thèmes de la protection que recherchait l'écrivain et celui de l'image du héros appelant la munificence du grand seigneur.Je ne dispose plus de la copie mais les annotations sont restées gravées dans ma mémoire : « jargon », « fin de correction » au bas de la première page. 

J'avais une haute opinion de mes aptitudes en rédaction, mais il s'agissait des rédactions que j'avais produites en classe de 3ème au  cours complémentaire d'Aniche. 


2 exemples : 

1





















2 Page 1 de l'original

et sa retranscription :


Majowski Paul 3A C.C. Basuyaux Aniche             Mercredi 4 décembre 1957

Rédaction n°5


Note obtenue : 18/20


Vous avez été pris de pitié. Dites dans quelles circonstances. Faites part de vos impressions.



Un vendredi matin des grandes vacances, je partis au marché, cent francs en poche. Maman était contente de moi et, pour me récompenser, m'avait donné de quoi acheter quelque chose au bazar.

Avant de dépenser mon argent, je visitai minutieusement le marché, cherchant à engager avantageusement mon argent. Sur le point de faire demi-tour, j'aperçus un marchand d'oiseaux. Ses bestioles pouvaient être achetées au prix normal ou gagnées à la loterie. Après maintes hésitations je me décidai à prendre un billet.Le cœr battant, je dépliai le billet et je lus : « GAGNÉ ». Je ne pus réprimer un mouvement de joie et je réclamai aussitôt une petite perruche bleu ciel. Je l'obtins tout de suite dans une petite boite en carton faute de cage. Triomphalement, la boite en avant, je pénétrai dans la cuisine.Ma mère s'approcha, curieuse de voir ce que j'avais pu dénicher avec mes cent francs. Je lui dis de bien fermer portes et fenêtres et, d'un geste brusque, je fis sauter le couvercle. La petite perruche bleue s'envola. Ma mère fit retentir son petit rire clair. « Je n'aurais jamais cru que tu aurais pu acheter un oiseau ! » s'écria-t-elle. La surprise était complète.Je me mis rapidement à la fabrication d'une cage pendant que « Juliette » voletait de ci, de là, se posait sur le lampadaire, babillait, visitait les coins et les recoins. Il lui vint à se poser sur le canapé. Le chat, qui suivait attentivement, yeux mi-clos, son manège, bondit soudainement sur elle. Je n 'entendis qu'un cri d'agonie. Quelques plumes voletèrent. L'oiseau dans la gueule, Minet battit en retraite sous le fourneau. Je me précipitai sur lui ? l'attrapai par les poils et me mis à le secouer comme jamais chat ne fut secoué. Avec un miaulement déchirant, il lâcha sa vistime. Le tenant toujours, je le lançai dehors. Ma mère, occupée à repasser, accouirut en entendant ces cris, pour me voir en pleurs, tenant un cadavre dans les mains. « Jésus Maria ! » s'écria-t-elle en joignant les mains, « ce maudit chat lui a fait du mal ! J'aurais dû te prévenir, justement j'y pensais. »
Une douleur indicible m'écrasait le cœur. J'avais peine à respirer. Les larmes coulaient seules, comme si les écluses lacrymales s'étaient soudainement ouvertes. Pour la première fois j'avais dans les mains, sous les yeux, un petit être encore chaud. Pauvre petite Juliette! Pauvre petite martyre ! 
J'essayai de me maîtriser et lui fis, comme je pus, la respiration artificielle. Ensuite je lui mis quelques gouttes d'eau dans le bec et je lui rafraîchis la tête. Par tous les moyens possibles je voulais ramener à la vie ce petit corps inerte qui, il y a quelques minutes, frétillait.
Elle était si belle, cette petite perruche. Je caressai son plumage si délicat, si doux, si joli, du bout des doigts. Je n'osais respirer. Ses petits yeux vitreux semblaient regarder quelquechose si loin, si loin !
« Ah!Le maudit chat!Je le tuerai, je l'écorcherai, je le … je ... » et des sanglots de rage m'ébranlèrent. J'étais révolté contre ce cruel carnassier. Je me promis de ne plus jamais l'aimer ; de le chasser.
Très tendrement, je pressai ce petit corps couleur du ciel contre mon cœur. Je voulais lui céder une partie de ma vie pour le ressusciter. Si, à ce moment-là, ! j'avais pu exprimer un vœu, j'aurais dit à coup sûr : « Que Juliette revienne à la vie !  Mais quoi ! Désirer et soupirer ne mène à rien ! » Mon petit oiseau chéri était mort.
Une dernière fois je contemplai ces plumes azurées, ce bec jaune, ces minuscules pattes jaunes, ces ailes qui ne s'ouvriraient plus.
Il y a une demi-heure à peine, tu étais encore admirée sur la place du marché .Tu allais avoir une belle vie, enviable de bien des perruches et voilà que tu me quittes ! Sous une pluie de chaudes larmes, j'enveloppai le corps mortuaire dans un mouchoir immaculé, en guise de linceul. Le cercueil fut un vieux plumier. Je représentais les pompes funèbres et le cortège. Dans un coin de mon jardinet, j'enterrai le cercueil et j'écrivis sur une minuscule pancate :
« Ci-gît
Juliette chérie
Morte un vendredi. »
Pour une fois je fis exception au proverbe, car n'ayant pas ri vendredi, dimanche à la vue de la tombe je pleurai.

(j'ai fréquenté l'école Basuyaux de 1948 à 1958). M. Dordain  était notre professeur de français, par la suite il devint le principal du collège succédant au cours complémentaire. Ses cours étaient passionnants. Je le revois bondissant, les yeux brillants, tant son enthousiasme était grand. Personne n'eût songé à chahuter tant il nous captivait. Il exigeait des efforts particuliers pour améliorer l'expression écrite. Les pléonasmes que comportait le langage parlé se retrouvaient dans un tableau à double entrée intitulé « les solécismes anichois »  Il fallait en tenir compte dans nos rédactions. On avait écrit en grands caractères sur la page de garde : « Combattre ses fautes ».



À PROPOS DE SOLÉCISMES





Avant la classe de 3 ème le terme « solécisme » m' était inconnu. J'en pris connaissance au cours de l'étude des « Femmes savantes ». Cette pièce de théâtre donna lieu à des cours passionnants. M. Dordain mima avec flamme la scène au cours de laquelle M. Jourdain dit : « C'est à vous que je parle, ma sœur. Le moindre solécisme en parlant vous irrite mais vous en faites, vous, d'étranges en conduite », tout en évitant le regard courroucé de son épouse, pour se tourner vers sa sœur. Nous n'allions au théâtre que tout à fait exceptionnellement, il fallait organiser un transport en autocar pour se rendre à Denain. Pourquoi pas Douai ?

Le premier trimestre à l'école normale en classe de 1ère C (première année à l'E.N.G. donc classe de seconde dans la terminologie du lycée) exigea d'énormes efforts d'adaptation. J'avais été reçu 39ème sur 100  au concours d'entrée, pas mécontent de me situer plutôt dans la moyenne. Le succès n'était pas assuré, même en redoublant. Au premier trimestre l'appréciation lapidaire de M. Dumont tomba comme un couperet : 
                « Très faible. Travail insuffisant »
                 Devoirs  6/20                  Composition 4/20 !!!

J'étais pourtant classé 8ème sur 33 élèves pour l'ensemble des matières. La plupart des élèves rencontrèrent les mêmes difficultés sauf Daniel Neveu. Il avait étudié le latin et peut-être le grec, ce qui ne fut jamais corroboré puisqu'il quitta l'E.N.G au cours du premier trimestre.On comprend que « Popaul », le surnom de Paul Dumont, n'était pas toujours prononcé avec aménité.

J'oubliais les belles notes obtenues en classe de 3ème. Je peux citer en référence une rédaction mais je n'ai gardé aucune dissertation de seconde. Je ne suis pas le seul à constater que M. Dumont ne corrigeait pas au-delà de la première page d'une copie qu'il jugeait mauvaise, les mentions « fin de correction » et « jargon » sonnaient comme une condamnation. Je ne sais plus comment je jargonnais mais je devais jargonner. M. Dumont était un professeur exceptionnel, peut-être avait-il eu des classes de prépa avant sa nomination à l'E.N. , ce qui aurait justifié son système de notation.

Je mobilisai toute mon énergie au cours du 2ème trimestre d'où ce bilan en français :
                  Devoirs 13,66/20            Composition 10/2     « Bien. Intelligent, travailleur »

                   Classé 1er sur 25 élèves dans la classe de 1C.
Le 3 ème trimestre fut moins bon, mais ne dit-on pas que c'est le 2ème le plus important ?
Les promos précédentes ont mis en scène des pièces de théâtre, non pas la 58-62. M. Dumont fut-il gagné par une certaine lassitude ?
Alain Carré m'a surpris quand il m'a déclaré n'avoir pas suivi les cours de M. Dumont  en première année : M. Haremza fut son prof de français. « De mon temps » on avait Zaza en deuxième année, nous, les « croûtons ». Autre style, autre rapport avec les élèves. 

Il ne faut pas croire que noter « largement » signifiait une plus grande popularité pour le professeur. Là encore lorsque nous nous rencontrons entre anciens nous évoquons le « good, eighteen » que M. Dubus octroyait régulièrement à l'oral. 

Au cours de ma carrière de professeur d'anglais j'ai été confronté au problème de la notation. L'œuvre de Henri Piéron (entre autres chercheurs) a été particulièrement éclairante. Pour être bref on peut citer sa comparaison de copies ayant le même contenu, une dactylographiée, d'autres dans des présentations plus ou moins soignées. Les écarts entre les notes étaient énormes. D'où l'intérêt que l'on a porté à la docimologie. Le F.A.P. (plan de formation académique) a introduit les notions d'évaluation normative et d'évaluation formative. En outre nous avons connu cette réforme qui remplaça la notation chiffrée par la notation par lettres. 

Je retrouvai le même effet de seuil si difficile à franchir à l'entrée de l'université. L'école normale de Douai m'avait appris de ne pas me contenter des succès passés. L'excellence réside dans ce qui reste à construire. Je suis redevable de ce que je suis à l'école normale. 

J'explique aux jeunes collègues que le système éducatif actuel n'a plus rien de commun avec ce que j'ai connu. Il fallait réussir l'examen d'entrée en 6 ème pour éviter de passer en classe de fin d'études primaires sanctionné par le « Certif » pour les lauréats. En classe de 5 ème on passait encore un examen : le complémentaire, puis le brevet à l'issue de la classe de 3 ème , ce brevet comportait de nombreuses matières à la différence du brevet des collèges actuel. À l'époque on pouvait trouver du travail, le brevet en poche. Les élèves de la classe de fin d'études étaient réputés difficiles. On les voyait défiler au pas, au rythme du pied gauche tapant sur le sol. Ils avaient des maîtres aguerris comme M. Baudrillard. Les éclats de sa voix puissante résonnait jusque la grand' place d'Aniche. Dans la période de l'après-guerre certains de nos maîtres étaient rentrés de captivité. Il fallait respecter la discipline stricte, personne ne s'étonnait que l'élève indiscipliné recevait des coups de règle sur les doigts.

De fait, les familles aisées qui avaient de l'ambition pour leurs enfants les envoyaient au lycée dans « les petites classes » du primaire, jusqu'en 3 ème, ensuite il allait de soi que c'était encore le lycée, dont le programme offrait l'enseignement du latin, du grec et plusieurs langues vivantes . Les élèves des cours complémentaires qui voulaient poursuivre leurs études entraient au collège moderne, moins « coté » que le lycée. Néanmoins une autre voie s'offrait à une élite composée des meilleurs éléments du c.c. : l'école normale d'instituteurs. Encore fallait-il réussir le concours, pour lequel on pouvait redoubler en classe de 3 ème. De mémoire, à mon époque, se présentaient environ 350 candidats pour 100 places à l'E.N.G., mais 1000 candidates pour 100 places à l'E.N.F. 

Conclusion : on mesure l'ampleur des mutations sociétales au cours de ce regard rétroactif. Le jeune enseignant de mes débuts espérait que l'école puisse changer la société. Est-ce que ce débat a encore cours ? La mutation de l'école normale vers l'I.U.F.M.  puis vers l'ÉSPÉ répond-elle aux besoins de la société ? 

mercredi 30 décembre 2015

Une évocation émouvante et littéraire de Popaul et "miss Doum" par Roger Facon, écrivain, et ancien de la promotion 66-69 de l'ENI de Douai dont un précédent article présente l'oeuvre et la biographie, toutes deux impressionnantes

SOUVENIRS, SOUVENIRS...











Le sourire, c'est ce qui m'a marqué le plus chez lui. Toujours le même sourire. Tranquille, un rien désabusé. Comme le regard qu'il promenait sur nous avant de s'asseoir. Monsieur Paul Dumont, dit Popaul. Cette familiarité que l'on prenait avec lui, on la prenait dans son dos. Mais il n'était pas dupe. Il savait que pour nous il était Popaul. Il l'était de classe en classe, de promotion en promotion. C'était comme un héritage. Une donation. Nous en étions les usufuitiers.
Il y avait le nom, le sourire, mais aussi la voix. Et là, tout changeait. La voix était capable de démentir le sourire quand la situation le nécessitait. Quand il nous parlait de Montaigne, par exemple. Parce que là, nous touchions à l'essentiel. Montaigne, vous vous rendez compte ? Montaigne ! Ça n'était pas rien. Courbés sur nos feuilles blanches, nous tentions de laisser courir nos stylos et le miracle se produisait... L'entreprise Baignol & Farjon s'effaçait, elle laissait la place aux plumes d'oie que Montaigne taillait en s'installant à sa table de travail. Nos terrils disparaissaient pour faire place aux vignobles du Bordelais. Un gentilhomme gascon parlait par la voix de Popaul à des gamins du Nord, il leur expliquait gravement que tous les jours vont à la mort et que le dernier y arrive... Mais ça nous passait un peu par dessus la tête. Nous avions la vie devant nous. Et quelle vie ! La vie sous de Gaulle. Une vie pavée... De bonnes intentions, bien sûr. Chacun à sa place. Les ouvriers à l'usine. (Nous étions un paquet de fils d'ouvriers dans notre promo.) Les petits commerçants derrière leur comptoir. Les grands bourgeois aux affaires. Mais tout ça allait bientôt voler avec les pavés. Je me souviens – comment ne pas se souvenir ? - des premiers jours de mai 68 dans la cour de l'E.N., nos blouses blanches comme la page sur laquelle l'Histoire était en train de s'écrire à coups de pavés du Quartier Latin, et nous, sur les bancs, à l'abri des blouses, l'oreille collée au transistor qui égrenait la longue litanie des usines occupées... Nous attendions le Grand Soir dans la douceur du matin, le nez tourné vers les cuisines d'où émanaient les effluves rassurantes du café au lait. 
Plus de Montaigne, en mai 68. Mais Victor Hugo, Gavroche... La chienlit, disait le Général prêt à grimper dans son hélicoptère pour aller voir chez Massu si les Essais de Montaigne y étaient. Du côté de Baden-Baden. Mais ils n'y étaient pas. Ils étaient dans le sourire de Popaul.
Toujours le même sourire. 
Il n'était pas dupe, notre Popaul en grève. Il se doutait bien qu'après la chienlit, il y aurait le retour à l'ordre bourgeois. Mais pour l'heure, sa grosse serviette de cuir fatigué restait fermée. Avec ses polys sur Montaigne et La Boétie. Ses trésors sur Du Bellay et Ronsard. Ses légèretés sur Marivaux.
Je dois beaucoup à Popaul. Ses remarques, ses critiques, ses encouragements m'ont amené à n'être jamais satisfait d'une phrase. À remettre sans cesse l'adjectif et le complément d'objet sur le métier. Mais je ne suis pas le seul, plus d'un usufruitier sait ce qu'il lui doit. Et ce qu'il doit à Miss Doum, sa femme.
Ah ! Miss Doum ! Dieu qu'elle était belle ! Elle l'était comme eût pu l'être une statue effleurée par les doigts de Praxitèle au sortir d'un pot de confiture, car elle ne lésinait pas sur le maquillage, Miss Doum.   Toute la générosité et la gourmandise du pointillisme se lisaient sur ses pommettes. Le fauvisme était loin d'être absent de son regard. Mais sa voix était de miel. Durant nos cours de dessin, je testais sur elle mes plaisanteries pas toujours fûtées et j'avais droit à des répliques   d'anthologie. Car Miss Doum partageait avec son époux la passion des Belles Lettres, dont Alphonse Allais n'était pas exclu. 

Popaul, Miss Doum scellaient à eux deux le mariage de la beauté et du savoir. De la gravité et de la dérision. De l'essentiel et de la futilité. Ils étaient des transmetteurs. Ils nous aimaient, au fond.  Notre turbulence leur faisait du bien. Ils se mettaient en scène devant nous avec tranquillité mais toujours avec pudeur. Leurs cours étaient des leçons de vie. Parfois, ils nous admettaient dans leur intimité. J'ai eu ce privilège en rendant un petit service à Marivaux. Sur scène, avec Jean-Marie Devaux en soubrette. Mise en scène Popaul. Conseil artistique, Miss Doum. Ça m'a permis, plus tard, d'écrire des pièces de théâtre. Et même de monter sur scène ! De longues décennies plus tard... Au Quai du Rire, à Marseille, sur le Vieux Port. A cet instant incomparable où la lumière s'allume. Où vous ne pouvez plus reculer. Où le public fait silence parce que le rideau se lève et qu'il sait que vous allez paraître devant lui. J'ai revu Popaul qui me faisait signe en coulisses qu'il ne pouvait plus rien pour moi, que le temps des répètes était terminé, qu'il fallait y aller...
J'y suis allé.
Popaul a toujours été de bon conseil.

Roger Facon, novembre 2015
Roger Facon, 1966



samedi 6 juillet 2013

MADAME DUMONT, PAUL DUMONT, MONSIEUR MÉRIAUX, 3 FIGURES EMBLÉMATIQUES DE NOTRE ENG, PHOTO TRANSMISE PAR GILBERT KESMAECKER (PROMO 61-65)


LEQUEL D'ENTRE NOUS N'A PAS ÉTÉ IMPRESSIONNÉ PAR L'UNE DE CES TROIS PERSONNALITÉS MARQUANTES DE NOTRE ENG DE DOUAI ?
PAUL DUMONT, "POPAUL" POUR TOUS CEUX QUI L'ONT BIEN CONNU, MADAME DUMONT, "MISS DOUM" POUR LES INTIMES, ET MONSIEUR MÉRIAUX, DIRECTEUR EMBLÉMATIQUE DES ANNÉES 50, 60.


APPEL À VOS TÉMOIGNAGES
AFIN QUE CHACUN PROFITE DES ANECDOTES VÉCUES PAR QUELQUES-UNS QUI LES ONT CONNUS ET APPRÉCIÉS, À UN TITRE OU À UN AUTRE ?

MERCI À GILBERT KESMAECKER DE NOUS AVOIR OFFERT CETTE PHOTO