Une touchante histoire d'amour d'un "bleu" devenu tout rouge de confusion, au sein de l'école normale d'instituteurs de Douai en 1948 racontée par René Maquet, promo 48-52

Tout est bien qui finit bien.

Une photo ancienne du réfectoire de l'école normale d'instituteurs de Douai


La promotion 48 52, 60 bleus répartis en deux classes de 30, la deuxième A, la deuxième B.

Nous sommes rentrés début octobre. Notre dortoir au premier étage, juste au-dessus des classes de philo science et de quatrième année (c’est dans ces deux classes qu’aujourd’hui on prend l’apéro le jour du banquet).

Dans ce grand dortoir, 30 lits d’un côté, 30 lits de l’autre, les têtes contre le mur. Dans l’allée centrale un grand bac en pierre bleue à hauteur de notre ceinture, au-dessus du bac une longue planche pour passer savon et serviette, deux robinets , l’un d’un côté, l’autre de l’autre, sous la planche, chaque paire de robinet étant à environ 35 cm de sa voisine.

L’eau étant fraîche, la toilette était rapide, souvent oubliée .

Une petite table de nuit métallique séparait chaque lit. Les premières nuits, nous ne nous connaissions pas encore sauf quelques exceptions. Mon voisin de droite était André Pouille, nous avons vite remarqué que nous avions le même accent et le même patois, habitant tous deux à proximité de la frontière belge, lui à Bruille-Saint-Amand, moi à Macou, un hameau de Condé-sur-Escaut. Il me confia qu’il avait laissé une petite amie au village, que la séparation fut difficile, qu’ils étaient pressés de se revoir, qu’elle viendrait l’attendre samedi en gare de Saint-Amand.

Le lundi matin, dès la rentrée, il me dit qu’elle lui avait donné l’adresse, qu’ils s’écriraient pour couper la semaine.

Effectivement, dès le lundi soir, en fin d’étude, je le vis prendre sa belle plume et écrire l’adresse sur une enveloppe rose parfumée.

De son côté, il espérait recevoir une lettre le mercredi ou au plus tard, le jeudi, mais rien !

Le vendredi, un surveillant lui dit que Monsieur le directeur l’attendait dans son bureau après la fin des cours. Inquiet, il se demandait pourquoi. Comme avant son admission à l’EN, il était pensionnaire chez les frères Maristes à Péruwelz (Belgique), il supposa que là était la question. Le soir, après le dernier cours, il se rendit donc au bureau du directeur avec une certaine crainte. Il en revint, peu de temps après, lui qui avait déjà un visage fort coloré était écarlate. Un mélange de honte et de soulagement était cause de son état d’émoi. Il me fit voir l’enveloppe qu’il tenait à la main et l’adresse :

Ecole Normale de garçons,

44 rue d’Arras Douai, 

et dans l’angle gauche de l’enveloppe, en fine écriture difficilement lisible : « pour Monsieur Pouille André ».

C’est Pépère qui a reçu ma lettre, il l’a ouverte mais quand il a lu « mon André chéri », il a compris qu’elle ne lui était pas destinée, alors il m’a dit : « Vous avez une petite amie, dites-lui bien qu’à partir de maintenant elle écrive en grand au milieu de l’enveloppe votre nom et prénom, 2A., d’autant plus que nous avons tous deux le même prénom : André. Réfléchissez ! Ça pourrait m’attirer des histoires ! »


Tout est bien qui finit bien…




René Maquet


René Maquet, promo 48 52

On pourra découvrir l'intégralité du courrier scanné de René Maquet en cliquant sur ce lien

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