Les vacances estivales en 1900, c'était le thème de la dictée préparée par Christian Lelièvre pour la quarantaine de compétiteurs inscrits à Biache-Saint-Vaast. Voici le texte de la dictée suivi du questionnaire et son corrigé

 Biache-Saint-Vaast. Samedi 28 octobre 2023. Les vacances estivales en 1900 




À cette époque-là, les grandes vacances étaient toujours très attendues par les enfants  habitant les villages à la campagne ou la montagne. Durant tous ces mois qui s’étaient  succédé jusqu’aux tout derniers jours d’école, ils avaient rêvé de grands espaces, de lumière, de champs de blé parsemés de coquelicots rouge vif, de trèfles roses, de reinettes surettes ou  de clochards parfumées. 

Fin de la dictée pour les juniors. 

À la mi-juillet, loin des tohu-bohu de la grande cité, ils empruntaient les chemins  creux bordés de mûriers multicaules, de scolopendres rubanées vert pourpré et d’épilobes  velus. Ces sentes retentissaient des chants des moissonneurs passant, la faucille sur le bras ou  le fléau sur l’épaule. Tous les cent mètres, de tous les passages de haies surgissaient des  chariots de gerbes et de lots de javelles tirés par de solides percherons pinchards conduits par  des paysans basanés portant des braies amples et chamarrées. Des enfants, des tom-pouce  pour la plupart, mignons tout plein, juchés sur le dôme du foin, tels des rois fainéants, se  prélassaient au soleil, interprétant à tue-tête des chansons que l’on eût crues tout droit sorties  du gramophone du mastroquet local. Les femmes, accoutrées de bonichons bariolés posés sur  le sinciput, servaient le cidre bien frais tiré de deux jaquelins pansus ou le chouchen  morbihannais avec un bouton de culotte. 

Fin de la dictée pour les amateurs. 

Allez-vous-en lutter contre l’implacable cagnard des heures durant ! Pendant des  semaines, ils avaient craint les pluies d’abat, la verse cryptogamique ou le brouillard vite  résous en pluie. Quelque temps qu’il fît, ils s’étaient donné la peine de préparer avec soin  machines, outils, greniers et fenils. Ce n’était pas qu’il y eût un prix à gagner, bien au  contraire ; métayers, cultivateurs, ouvriers sthéniques travaillaient avec calme et méthode et  n’étaient pas du tout charrette. Le soir venu, après être allés tirer les faisans au perché dans la  coudraie, ils allumaient des oribus aromatisés près de la cheminée à l’âtre rougeoyant.  Heureux et rieurs, ils ne connaissaient ni le nonchaloir ni la cyclothymie. 

Toute joie vient du travail fait de bon cœur, avec amour et du repos qui suit ce travail. 

Christian LELIÈVRE. 

Champion de France d’orthographe. 

Champion de la Dictée des Amériques (Québec).

Biache-Saint-Vaast. Samedi 28 octobre 2023. Questionnaire. 

1/ Formez les adverbes de manière dérivés des adjectifs suivants

fou : …………..….………. ; cru : ………...………….… ; dense : ……….……..…..………… poli : …………...…..…….. ; exquis : ………...……..….. ; véhément : ……….…..……….….. 

2/ Cochez les formes de pluriel correctes :  

des années-lumières des portes-fenêtres 

des œils-de-bœuf des ponts aux ânes 

des trompe-l’œil des crédits-baux 

des cul-de-jatte des mères-grand. 

3/ À quelle partie du corps humain ces adjectifs se rapportent-ils

inguinal : ………………….….. ; coxal : ……………………….. ; crural : ………………………….. splanchnique : ………….…….. ; phrénique : ……………..……. ; splénique : …………………...…. 

4/ Cochez les phrases bien écrites et corrigez les autres

Que de beaux souvenirs j’ai gardé en mémoire ! 

Cette dictée est moins difficile que je ne l’aurais crue. 

Elles avaient préparé des crêpes et les invités en ont mangé. 

Elles se sont imaginé tranquilles pendant la dictée. 

Ils se sont vus marcher dans la forêt de Mormal. 

5/ De beaux verbes obsolètes : conjuguez-les

* Ces chaussettes te …………………………..………. (seoir) à ravir. 

* Il ne ………………....……………….. (messeoir) pas que vous appreniez à conjuguer. * Il …………………..…..………….. (apparoir) que le divorce a été prononcé aux torts de l’époux. * L’été, les vacanciers …………..…..…………….….. (s’oindre) de crème solaire. 

Suite au verso

6/ Des gentilés peu courants. Les connaissez-vous

Guatemala : ………………………………….. ; Madagascar : ……………………………………… Amsterdam : …………………………..……... ; Istanbul : ………………………………………….. Damas : …………………..…………....…….. ; Jérusalem : …………….…………………….……… Béziers : ……………………………..………. ; Évreux : …………………….……….……………… Château-Thierry : …………..……………….. ; Saint-Denis : ………………………………..……… 7/ « Ainsi dit le Renard et flatteurs d’applaudir ». Est-ce :  

une énallage un enthymème 

 « Bon gré, mal gré » ; « Tel père, tel fils ». Est-ce :  

une asyndète une tmèse 

Christian LELIÈVRE.




Biache-Saint-Vaast. Samedi 28 octobre 2023. Réponses. 

1/ Formez les adverbes de manière dérivés des adjectifs suivants

fou : follement ; cru : crûment, crument ; dense : densément ;  

poli : poliment ; exquis : exquisément ; véhément : véhémentement

2/ Cochez les formes de pluriel correctes :  

des années-lumière ; des portes-fenêtres ; des œils-de-bœuf ; des ponts aux ânes ; des trompe-l’œil ;  des crédits-bails ; des culs-de-jatte ; des mères-grand

3/ À quelle partie du corps humain ces adjectifs se rapportent-ils

inguinal : l’aine ; coxal : la hanche ; crural : la cuisse

splanchnique : les viscères ; phrénique : le diaphragme ; splénique : la rate

4/ Cochez les phrases bien écrites et corrigez les autres

Que de beaux souvenirs j’ai gardés en mémoire ! 

Cette dictée est moins difficile que je ne l’aurais cru

Elles avaient préparé des crêpes et les invités en ont mangé

Elles se sont imaginées tranquilles pendant la dictée. 

Ils se sont vus marcher dans la forêt de Mormal. 

5/ De beaux verbes obsolètes : conjuguez-les

* Ces chaussettes te siéent à ravir. 

* Il ne messied pas que vous appreniez à conjuguer. 

* Il appert que le divorce a été prononcé aux torts de l’époux. 

* L’été, les vacanciers s’oignent de crème solaire. 

6/ Des gentilés peu courants. Les connaissez-vous

Guatemala : Guatémaltèque ; Madagascar : Malgache

Amsterdam : Amstellodamois ou Amstellodamien ; Istanbul : Istanbuliote ou Stambouliote ; Damas : Damascène ; Jérusalem : Hiérosolymitain ; Béziers : Biterrois ;  

Évreux : Ébroïcien ; Château-Thierry : Castelthéodoricien ; Saint-Denis : Dionysien. 7/ « Ainsi dit le Renard et flatteurs d’applaudir ». C’est une énallage. 

 « Bon gré, mal gré » ; « Tel père, tel fils ». C’est une asyndète. 

Christian LELIÈVRE


Retrouvailles d'octobre pour 4 anciens normaliens de la promo 66 71

 Il était de coutume, à l'initiative des membres de la promo 54 58 de se retrouver en octobre pour une journée décentralisée afin de visiter un site ou un musée et se retrouver ensuite dans un restaurant gastronomique pour un bon repas en commun. La COVID a mis un terme à ce rituel annuel et pourtant des rencontres entre camarades de promo existent encore çà et là. Nous en avons des échos...

Photo souvenir prise par un employé de l'estaminet au Saint-Bernard, avec de gauche à droite, Alain Denhez, Émile Duez, André Léger et Jean-Marie Devaux ainsi que leurs épouses


C'est ainsi qu'à l'occasion d'une remontée dans le Cambrésis natal d'Alain Denhez et de son épouse, résidant à Toulouse, Émile Duez, ancien de la promo 66 71, a rassemblé chez lui quelques camarades de ladite promo, tels André Léger et Jean-Marie Devaux, pour une rencontre à Bouvignies, suivie d'une soirée restaurant à l'estaminet au Saint-Bernard de Beuvry-la-forêt. Ambiance bon enfant et nostalgie étaient au programme.

Sur le thème des vacances estivales en 1900, une nouvelle dictée préparée par Christian Lelièvre, promo 54 57, à Biache-Saint-Vaast, ce samedi 28 octobre à la maison des sociétés, à partir de 15 heures.

Près d’Arras, venez vous tester sur un concours de dictée
Le 28 octobre 2023, Biache-Saint-Vaast organise son traditionnel concours de dictée. C’est le moment de vous inscrire !

Les vacances en 1900 est lethème du concours de dictée.
Les vacances en 1900 est le thème du concours de dictée.

Après la commune d’Habarcq le samedi 7 octobre, c’est au tour de la ville de Biache-Saint-Vaast d’organiser son traditionnel concours de dictée le samedi 28 octobre à la maison des sociétés, à partir de 15 heures.

Organisée par la commission culturelle, la dictée a été préparée par Chrisitan Lelièvre, ancien principal de collège et champion de France d’orthographe. 

Alors, si vous n’avez pas peur des pièges de la langue française, n’hésitez pas à venir faire la dictée sur le thème des vacances estivales en 1900. « C’est un thème plutôt intéressant car on sait tous que les enfants passent des vacances différentes aujourd’hui », précise Véronique Dumarquez, adjointe chargée de la culture. 

Cette dictée est ouverte à tous, pas seulement aux habitants de Biache-Saint-Vaast et il y aura trois niveaux réservés aux 12/18 ans, aux amateurs et aux professionnels. Fervent défenseur de la langue française, Christian Lelièvre fera une correction très détaillée en donnant des explications précises et reviendra sur les pièges qu’il fallait absolument éviter. Chaque participant recevra un ouvrage et un stylo offert par la municipalité. 

Inscriptions gratuites dès 14 h 30. 

Publié:19 Octobre 2023 à 14h21 d'après l'hebdomadaire l'Avenir de l'Artois

Alain DERENONCOURT, promo 63 67, n'est plus. Jean-Jacques Mislanghe nous en a informé. Voici quelques photos de lui à l'école normale pratiquant le rugby, le basket et en stage poterie

Photo récente d'Alain Derenoncourt postée par lui-même sur Copains d'avant











Les témoignages de ses copains de promotion :


Bonjour
Je viens d’apprendre le décès d’Alain Derenoncourt grâce à l’Amicale.
Il était de ma promo et nous étions tous eux originaires de la région dunkerquoise. Un grand connaisseur de l’histoire locale, notamment maritime.
Ci-après, une photo prise lors de mon passage à Dunkerque en 2021
Michel Dejaegher 



Toute ma sympathie à ses proches et ses amis.
Je crois me reconnaître dans l’arbitre sur l’image de basket dans le blog.
Jean Claude VANDERVORST




Stupéfiant voyage à travers l'Éducation nationale, un récit autobiographique de Bernard Waymel publié en 2020 et dont nous extrayons les pages consacrées à son passage à l'école normale d'instituteurs de Douai

 


Bernard Waymel debout à droite parmi ses camarades de la promo 66 71 lors du dernier banquet de l'amicale des anciens normaliens de Douai le 2 avril 2023

Ci-dessous la Couverture du livre écrit par Bernard Waymel et édité sur AMAZON dont voici le lien :








Extrait de la notice bibliographique de l'éditeur :

56 années dans l’Éducation nationale, de son entrée à l’école du village, à l’âge de 6 ans, jusqu’à son départ en retraite à 62 ans. L’auteur nous décrit son parcours et surtout l’environnement dans lequel il a évolué. Témoin d’une époque qui paraît quelque peu désuète il cite de nombreuses anecdotes relatives à sa vie d’élève. Nous l’accompagnons ensuite à l’université (...). Puis passé de l’autre côté de l’estrade, il nous dévoile un monde un peu mystérieux pour la grande majorité des français, ceux qui n’ont connu l’école qu’en tant qu’élève ou parent d’élève. Nous le suivons aussi dans sa découverte progressive de toutes les aberrations et absurdités du système éducatif (...).



Voici la reproduction du passage consacré à l'école normale de Douai :

Dans l’École normale de mon département il n'y avait que deux statuts possibles pour les élèves, celui bien connu d'interne ou pensionnaire et celui d'interne externé que je découvris à mon arrivée dans cet établissement. Le statut d’interne externé était réservé aux élèves ayant leur domicile à proximité de l’école. Ils ne retournaient chez eux que pour dormir, ils quittaient l'école après la dernière étude du soir et devaient être de retour pour le petit-déjeuner. Habitant à plus de 50 km de l’école j'étais interne. Les conditions d'hébergement étaient nettement meilleures qu'au collège puisque nous dormions dans des chambres de huit, chacun ayant sa propre armoire. C'était le grand luxe. 

Mes parents m'accompagnèrent en voiture à l'école normale le soir précédant la rentrée des classes. Nous avions respecté scrupuleusement la liste des fournitures imposées par l'école : les vêtements et sous-vêtements marqués à mon nom, la blouse de couleur blanche, les cadenas destinés au pupitre et au casier à chaussures, le balai, etc. La literie était fournie par l'école. Notre promotion, celle qui entrait en classe de seconde, portait une blouse blanche mais la promotion précédente scolarisée en première était en gris tandis que la blouse bleue caractérisait les élèves de terminale.  

C'est le conseil général1 qui assurait l'entretien des écoles normales et finançait les frais d'internat car nous n'avions rien à payer pour le gîte et le couvert. En contrepartie, le personnel de service était inexistant en dehors de la cantine. Le nettoyage des locaux et des espaces extérieurs était assuré par les élèves eux-mêmes. Après le petit-déjeuner chaque élève balayait la zone qui lui avait était attribuée, salle de classe, chambre à l'internat, portion de couloir, ratissait une piste sur le terrain de sport ou encore ramassait les feuilles sur un espace vert ou les vieux papiers traînant dans la cour. Dans notre salle de classe, nous étions l'un après l'autre « de tableau ». Cela consistait à nettoyer le tableau à l'eau le matin puis, en cours de journée, à foncer vers le tableau pour l’effacer chaque fois que le professeur en faisait la demande. Je n’ai jamais vu un professeur utiliser lui-même la brosse à effacer.  

L'hébergement était de bonne qualité, on ne pouvait vraiment pas accuser le département de mesquinerie. Au réfectoire nous mangions par table de six, la nourriture était bonne et variée. Il y avait de la bière à table au repas de midi, appelé le dîner dans notre région, au goûter ainsi qu'au souper, une bouteille pour six. L'internat restait ouvert le dimanche. Il n'accueillait alors qu'un nombre restreint d'élèves, ceux qui habitaient loin de l'école ou ceux qui se sentaient mieux à l’école que chez eux. Le dîner du dimanche était un véritable festin, nous avions même droit au vin, une bouteille par table de six. L'une des revendications des élèves en mai 1968 fut d’avoir du vin à table tous les midis de la semaine. Elle fut satisfaite à la rentrée scolaire suivante. 

Les emplois du temps étaient très concentrés sans heures de permanence ou de temps libre. Mais nous avions des études surveillées obligatoires, une heure le midi et deux fois une heure et demi le soir avant le repas et autant après, soit quatre heures au total. Il n'y avait pas suffisamment de devoirs à faire ou de leçons à apprendre pour occuper tout ce temps, aussi nous lisions beaucoup. L'école disposait d'un centre de documentation avec de nombreux journaux et revues ainsi que d'une bibliothèque dont la plupart des livres étaient reliés. 

Nous avions cours aussi bien le jeudi matin2 que le samedi matin. Et les devoirs surveillés n’empiétaient pas sur le temps d’étude, au moins en classes de première et terminale. En effet ces DS étaient organisés le samedi après-midi et surveillés par des pions. Ce qui fait que de nombreux élèves qui habitaient assez loin dans le département ne rentraient chez eux que tard le samedi soir et il devaient parfois reprendre la route du retour le dimanche soir car il n’y avait pas de moyen de transport leur permettent d’arriver à l’heure le lundi matin. 

Il me semble avoir moins de souvenirs de mes professeurs d’école normale que de ceux du collège. En seconde nous avions un professeur de mathématiques, un maître-auxiliaire vraisemblablement, qui respectait scrupuleusement le livre, il aurait pu se dispenser d'écrire le cours au tableau et se contenter de nous faire copier le manuel. On sentait quand même un petit investissement de cet enseignant dans les corrections des exercices et problèmes qu'il nous donnait à faire. Mais peut être disposait-il du livre du maître avec des corrigés modèles. En classe de première notre professeur d'allemand était une brute qui nous traumatisait. Ayant obtenu la meilleure note de la classe à une composition trimestrielle d'allemand j'avais été envoyé au tableau pour faire la correction. Soudain j'ai vu arriver sur moi la brosse à effacer le tableau et je n'y ai échappé que de justesse. Une façon de me faire comprendre que j'avais fait une faute stupide. Notre professeur de français en première et terminale était un communiste notoire qui passait au moins la moitié du temps en digressions sur des sujets de société ou des questions d'histoire mais il m'a fait apprécier le français, moi qui était plutôt scientifique, et permis d'obtenir une note correcte au baccalauréat.  

Une des particularités de l’École normale était que l’enseignement du dessin et de la musique était obligatoire, à raison d’une heure par semaine pour chacune de ces disciplines. Normal, la plupart des élèves allaient devenir instituteurs et seraient donc obligés d’apprendre le chant et le dessin à leurs élèves du primaire en vue du certificat d’études primaires qui comportait une épreuve dans chacune de ces matières. 

Chaque classe avait sa propre salle. Il y avait cependant quelques salles spécialisées pour la physique-chimie, l’histoire-géographie, le dessin, la musique et l'anglais. J'ai d'abord connu la salle d'anglais équipée uniquement d'un magnétophone. Puis elle a été équipée en laboratoire de langue. Juste après l’installation de ce laboratoire notre professeur d’anglais nous fit une démonstration. Il distribua les casques, nous invita à les brancher et à les mettre sur la tête, nous fit écouter un texte, nous montra qu'il pouvait nous interroger par le biais de ce casque et demanda à quelques volontaires de lui répondre. Puis il rangea le matériel dans une armoire. Définitivement.  

Le concours d'entrée à L’École normale était très sélectif mais certains lauréats avaient bien de la peine dès la classe de seconde. Comme le doublement de la classe de seconde n'était pas autorisé, les normaliens qui n'obtenaient pas la moyenne en fin de seconde étaient exclus de l'école. On ne leur demandait cependant pas de rembourser leurs frais de scolarité. Il n'en allait pas de même pour les abandons volontaires, très peu nombreux, d'élèves en première ou terminale. La seule façon d'éviter de payer une somme relativement importante pour des jeunes issus généralement de familles modestes était de s'engager dans l'armée. J’ai donc connu quelques camarades de classe qui rêvaient d’être instituteurs mais qui sont devenus militaires. 

Le recrutement par concours amenait aussi d'excellents élèves. L’administration considérait que les faire devenir instituteurs aurait constitué un gaspillage de ressources. Après leur réussite au baccalauréat les meilleurs quittaient donc L’École normale pour une classe préparatoire aux grandes écoles ou pour le centre départemental de formation de professeurs de collège. Les autres suivaient une formation pédagogique d'une année – deux années à partir de 1969 – pour obtenir leur diplôme d'instituteur3. Tous bénéficiaient alors d'une rémunération d’élève-instituteur. 

Est-ce que les études en autodiscipline furent une revendication des normaliens en 1968 ? Toujours est-il qu'à la rentrée suivante nous n'avions plus de surveillants pour les études du soir, qui avaient lieu dans notre propre salle de classe. Nous eûmes alors droit à un perpétuel brouhaha quand ce n'était pas du chahut. Les tentatives des délégués de classe – à compter de la rentrée de septembre 1968 chaque classe élut deux délégués – pour ramener le calme et obtenir une ambiance de travail s'avérèrent vaines. Une pétition réclamant le retour des surveillants fut alors lancée et signée par un grand nombre d'élèves. Les surveillants qui n'avaient pas disparu mais prenaient du bon temps dans leur bureau reprirent alors leur place dans les études au grand soulagement de la plupart des normaliens.  

L'année 1969 fut marquée par une grève assez dure qui toucha les classes de seconde à terminale de nombreuses écoles normales de France. A l'origine une rumeur selon laquelle le ministère s'apprêtait à reporter le recrutement des élèves-instituteurs au niveau du baccalauréat. Dans mon école il n'y avait qu'un élève non gréviste. Le professeur de mathématiques prétendait lui faire cours. Le comité de grève de l'école s'installa alors dans la salle de classe de cet élève. Quelques représentants de l'école partirent à Paris rejoindre une sorte de comité national de grève. A leur retour ils étaient devenus trotskystes. Ce n'est que plus tard que nous avons compris que le mouvement avait été lancé dans des écoles normales de la région parisienne par un groupuscule trotskyste. Au bout de cinq jours, en l'absence de résultat, une certaine lassitude s'empara d'une grande partie des élèves et la reprise des cours fut votée lors d'une assemblée générale suite à l'intervention d'un de nos professeurs, responsable national du syndicat des professeurs d’Écoles normales. Il nous affirma qu'il revenait du ministère et qu'il avait obtenu l'assurance que rien ne serait changé quant au recrutement des futurs instituteurs.  

Ce n'est que bien des années plus tard que j’apprendrai que ce syndicat avait négocié avec le ministre de l’Éducation nationale Edgard Faure, le 6 mai 1969, c’est-à-dire peu de temps après cette grève, la transformation des Écoles normales en centres de formation des maîtres recrutant après le baccalauréat. Je pense que ce professeur, très bon enseignant par ailleurs, avait sciemment menti pour faire cesser la grève. Il ne cachait pas qu'il était membre du parti communiste et le parti communiste voyait d'un très mauvais œil ce mouvement de grève plus ou moins contrôlé par les trotskystes.  

Après une année passée en seconde scientifique4 je fus orienté vers la première C5 suivie d’une terminale C. Pour le baccalauréat j’eus à passer 5 épreuves obligatoires : les mathématiques, la physique-chimie et le français à l’écrit ainsi que l’anglais et la philosophie à l’oral. Si je n’avais pas obtenu 12 de moyenne il m’aurait fallu aller au rattrapage et aussi passer une épreuve supplémentaire tirée au sort en fin d’année entre histoire-géographie et sciences naturelles. Par ailleurs l’éducation physique n’était comptabilisée que comme une matière facultative, seuls les points au-dessus de 10 étaient pris en compte. 

Ayant obtenu mon baccalauréat avec mention très bien, je quittais l’École normale pour une classe préparatoire aux grandes écoles en vue de préparer les concours d'entrée aux Écoles normales supérieures. Avec le statut d'élève-instituteur – c’est ainsi que l'on nommait les normaliens en formation professionnelle après l’obtention du bac – détaché en classe préparatoire aux grandes écoles. Une appellation pompeuse. Mais une rémunération mensuelle de l'ordre de 800 francs6


1 On dit maintenant conseil départemental. 

2 Rappelons que le jeudi restera le jour de congé dans le primaire et en collège jusqu’en 1972.

3 Jusqu’en 1968 le niveau bac + 1 suffisait pour devenir instituteur, à condition de passer le concours en fin de troisième.

4 Eh oui, dès la seconde il fallait choisir entre voie scientifique ou voie littéraire. 

5 En première la voie scientifique se scindait en 2 séries, C à dominante mathématique et D avec plus de  sciences naturelles. 

6 Le SMIG brut mensuel s’élevait alors à 566 francs.


Ci-dessous copie de l'avis d'admission des 5 normaliens en classe préparatoire d'École Normale Supérieure au Lycée Faidherbe de Lille : Waymel, Preux, Thys, Denhez et Germano



Réaction à l'article ci-dessus :


Marie-Paule Déruelle
Nous, comité 68 des EN Douai, avions réclamé le niveau licence, et 2 années de formation professionnelle, ayant personnellement ressenti combien 1 seule année (écourtée avec mai 68) était insuffisante pour aborder sa classe !



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