Échos de vacances.
21 juillet 1948.
Un rapide file à 120 à l'heure, emmenant 26 normaliens et le directeur vers des régions inconnues de tous, vers Foix et les Pyrénées.
L'idée de ce voyage nous fut suggérée au début de l'année dernière par Monsieur le directeur.
Mais un problème se posa immédiatement, à savoir comment trouver l'argent nécessaire pour réaliser ce projet.
C'est alors que nous avons décidé de préparer un spectacle susceptible d'être présenté dans diverses salles afin de nous procurer par notre travail les fonds indispensables.
La promotion toute entière apporta son concours. L'argent ainsi gagné n'était certes pas suffisant pour couvrir la totalité des frais de voyage. Monsieur le directeur réussi obtenir des subventions qui va grossir notre caisse.
... Et le 20 juillet à 23:56 et quelques secondes, nous voilà partis.
Arrivés à Paris, nous rencontrons notre camarade Jeff, les cheveux en bataille, les yeux bouffis, un peu vasouillard, qui venait, tel un clochard, de passer la nuit en Gare du Nord.
Et nous reprenons notre voyage vers Foix , voyage très long, ne manquant pas d'intérêt, effectué sous une chaleur accablante est coupé çà et là, par un véritable "rush" vers le château la pompe de la station.
A Souillac , avant même l'arrêt du train, une vingtaine de têtes sont penchées aux portières. Une immense clameur retentit : « Hubert… Hubert… »(1)
En effet, le dit Hubert, revenant de Bordeaux, nous attend sur le quai et vient rejoindre le gros de la troupe. Le reste du voyage s'effectue sans incidents notables. Et, dans la soirée nous arrivons à Foix.
Dans la gare, nous recevons un accueil chaleureux, (il n'en pouvait être autrement étant donné la température) de M.Ritter, directeur de l'EN de Foix, qui nous conduit à l'école où nous nous empressons de faire nos « pieux » et de nous y vautrer avec délices.
Le lendemain, nous faisons la connaissance de M. l'économe, du cuisinier et du personnel de service, tous très aimables et dévoués.
LE CHATEAU DES COMTES DE FOIX |
LA RIVIÈRE SOUTERRAINE DE LABOUÏCHE
(nous fûmes vite rrrrennn...dus, selon l'expression de notre chauffeur) ; nous voguons sur la rivière souterraine, admirant le paysage de stalactites et stalagmites, tout en évitant de heurter le plafond assez bas.
LES TERRASSES DU PECH |
Après avoir fait l'escalade du « Pech »
et être redescendus pour la plupart sur le derrière, nous partons vers Bourg-Madame et la frontière espagnole où un douanier franquiste (un SS en retraite, précise Alex) nous convie de façon assez brutale à nous retirer parce que notre ami Hubert à la malencontreuse idée de vouloir photographier le pays du Caudillo.
BOURG-MADAME EN 1950 |
Après Bourg-Madame, en empruntant une route en lacets, aux tournants en épingles à cheveux, bordée de ravins qui nous donnaient le frisson, nous nous rendons en Andorre.
ANDORRA-LA VIEILLE |
Là, véritable pays de cocagne, les normaliens peuvent se payer des « américaines » et des litres de vin à 33 Fr., verre compris !
Aussi le retour s'effectue dans une atmosphère délirante, au son d'une chorale improvisée (mais de grande classe) dirigée par notre compatriote Serge Mascart, dit « le Grand ».
De temps en temps, la portière arrière de l'autobus s'ouvre discrètement pour livrer passage au trop plein de boisson et de confiture de certains estomacs car, c'est important à signaler, la confiture du Midi possède des facultés enivrantes inconnues parmi nous jusqu'alors et que nous n'avons jamais pu retrouver ailleurs.
Chaque soir, avant de nous coucher, nous devons faire une chasse impitoyable aux petites bestioles qui, avec un sans-gêne déconcertant, couvrent notre lit.
Et nous ne nous endormons jamais sans avoir terminé notre duel de « feintes » auquel participent évidemment Alex, Moumoute , ... et Hubert, la révélation de la saison.
À la venue des normaliennes de Tarbes et conformément à nos traditions, nous ne pouvons pas faire autrement que d'organiser un bal, lequel se déroula au milieu des sourires épanouis du personnel et des autorités directoriales des trois EN.
Mais, en toute chose, il faut considérer la fin.
Il fallut bientôt songer au retour. Nous n'avons qu'un seul regret : celui de ne pouvoir prolonger plus longtemps notre séjour, rendu d'autant plus agréable par l'enthousiasme de tous, la simplicité de Monsieur et Madame Hickel, et par la chaude camaraderie de Hubert.
Et maintenant tout le monde garde encore et gardera longtemps un très bon souvenir de ces vacances que nous avons pu nous offrir grâce à la bonne volonté et au travail de tous.
Nous avons voulu montrer par là que, lorsqu'ils le veulent, les normaliens d'une promotion unie peuvent atteindre de hautes réalisations.
Pour la promo « Renaissance »
R.LAPLACE, J. LECLERCQ., M.MOUTIEZ
(1) Hubert : fils de M. HICKEL