César Leroy, promo 58 62, nous a fait parvenir des photos de son voyage de fin de promotion en Corse en juillet 1962. En voici le récit complet par Rino Bandoch, extrait du bulletin du bulletin n°36 de mars 1963

 Le Voyage en Corse de la Promotion 1958 - 1962 (juillet 1962)

Marseille, avant l'embarquement  pour la Corse. Notre Dame de la Garde en arrière plan


Rendez-vous avait été pris pour le 2 Juillet, le soir, vers 17 heures, nous sommes donc 41 à nous retrouver sur le quai de la gare de Douai, accompagnés par Madame HATTE, maître d'application, NATUREL et CODEAU, surveillants, M. SABLÉ, professeur de musique, nous attend à Paris.

De là, nous partons vers Marseille... La nuit s'écoule et au réveil, nous avons déjà dépassé Tarascon, nous filons le long du Rhône. Bientôt ce sont les bords de l'étang de Berre, sur lesquels sont installées d'importantes raffineries de pétrole, puis la gare St Charles à Marseille.

L'arrêt prévu dans cette ville est d'une demi-journée, mais il dépassera nos espérances. En effet, il y a une grève à bord des bateaux de « notre » compagnie. 

C'est alors le début d'une longue série d'entretiens, de coups de téléphone, de déplacements de M. Naturel et de nos accompagnateurs, qui essaient de nous trouver un gîte pour la nuit : grâce à l'obligeance de deux économes, nous pouvons manger et dormir aux Lycées Thiers et Hugo.

Le temps libre est occupé par des promenades, des visites : promenades sur le Vieux Port, sur la Canebière où nous apprenons que le prix du pastis est étroitement lié à la renommée de cette rue ; excursions à l'Île d'If (où l'on retrouve le cachot jadis occupé par Dantès ! !) ; visite de N.D. de Garde.

Beaucoup de chapeaux sont achetés ; nos accompagnateurs en achètent de très larges et Monsieur Sablé se transforme en Don Sablos.

Chacun de nous, se réjouit de cette petite diversion qui nous permet de mieux connaître Marseille, et en particulier le Grand Escalier de la Gare Saint Charles que nous avons grimpé une dizaine de fois.

Enfin, le 5 le « Ville d'Oran » est prêt à appareiller.

M. Naturel, qui, pendant ces deux jours, a été héroïque, pense que tous ses ennuis sont terminés : ils ne font que commencer !

Il va chercher Viane, en vain, à la gare, il remonte à bord et il s'aperçoit après avoir retourné les cales de fond en comble, qu'il n'y a plus de valise.

Messieurs Hatte et Godeau se dévouent, redescendent à terre, et retrouvent le bagage dans le hall d'attente quelques instants avant la remontée des passerelles !

Après une manœuvre délicate, le bateau met le cap sur la Corse.

Les normaliens doivent être, en toutes circonstances, des exemples et aucun d’eux n'a le mal de mer : une boîte complète de pilules a été avalée, non sans mal, pour certains : n'est-ce pas Mouton ?

Nous avons quitté la côte grisâtre de la Provence depuis une dizaine d'heures et nous doublons les îles Sanguinaires à l'entrée de la rade d'Ajaccio.

balade en Corse


Ajaccio est une petite ville de 40.000 habitants environ, bâtie sur une petite plaine côtière et sur les collines avoisinantes. Elle possède un petit port et un aérodrome.

C'est une ville pittoresque aux hautes maisons de pierre recouvertes de crépi rose, aux ruelles étroites grimpant le flanc des collines, et où règne parfois une fraîcheur totalement inconnue dans les larges avenues.

Les routes qui bordent la mer passent entre des palmiers, des lauriers roses, des cactus. Celle qui menait à notre camp courait le long d'un cimetière très caractéristique : les monuments funéraires sont de véritables petites maisons, quelquefois très belles.

Ajaccio est la ville natale de Napoléon et cela  se devine ! Les Corses « exploitent » leur héros de la façon la plus rationnelle qui soit. Dans les Vitrines de « souvenirs», on trouve toujours à côté de la poupée habillée du costume folklorique noir et du long couteau (muerte al nemico !) un objet portant une reproduction de Napoléon, et ceci jusqu'aux salières. Dans la même rue sont situés le « bar du Petit Caporal », le « Restaurant du Premier Consul» et l' « Hôtel Impérial» : c'est toute une histoire !

Cela montre combien la Corse est attachée aux traditions : le dialecte y est encore très répandu, les groupes folkloriques y sont nombreux, il est possible d'entendre dans certains cabarets des chants typiques corses.

Le camp où nous logeons est un camp de transit, situé au flanc d'une colline au bord de la route allant vers les Sanguinaires. Pas un arbre n'y pousse et la chaleur nous entraîne souvent à la mer qui n'est qu'à deux pas : sur une petite plage des canots pneumatiques sont à notre disposition.

Les activités sont très variées : le sport favori devient bien vite la pétanque (M. Hatte s'y est révélé comme étant un authentique champion). M. SABLE a, pour sa part, mis au point une méthode qui permet de perdre à chaque partie, des excursions sont également prévues : ainsi la promenade des crêtes peu goûtées par nous, l'heure du départ étant trop matinale.

Le séjour à Ajaccio ne dure que 2 jours : l'étape suivante est Porto distant de 80 km ; nous partons au moment du grand soleil, mais nos « minicars» sont heureusement très confortables.

Les routes sont souvent en corniche, très étroites. Pour doubler un autocar, il faut attendre l'arrivée dans un village !

Nous suivons le golfe de Sagone, nous passons non loin du village de vacances de Rocca Marina pour nous arrêter à Cargèse, petit village fondé vers 1600 par une colonie grecque. C'est là que nous avons appris la façon d'accommoder le cactus qui a, paraît-il, un goût de pomme.

A Piana, nous voyons les « Calanche » rochers rouges ou bruns, découpés par l'érosion et dont la forme est bizarre (la tête du chien, la tête du géant)...

Enfin, dans la soirée, nous découvrons le magnifique golfe de Porto, entouré d'un véritable cirque de montagnes, la plage de sable et de graviers se découpe comme un croissant jaune sur la verdure de la Marine de Porto.

Le camp est situé à une centaine de mètres du fleuve, il est très pittoresque, il est implanté dans un bois d'eucalyptus qui nous prodigue une ombre bienfaisante.

Malgré sa petitesse, le camp nous offre de nombreuses possibilités de distractions : kayak, canoë, nage sous-marine.

Les normaliens figurent en bonne place dans les différents concours organisés là : Coudoux, Brulin et Sobierajski se distinguent particulièrement.

Deux grandes excursions sont organisées dont l'une très intéressante à la Spelunca.

Après 6 jours nous partons pour Calvi qui nous offrait sa belle plage de sable fin. Le Directeur du camp nous fit faire une visite de la citadelle. A l'entrée de celle-ci est gravée une phrase latine dont les habitants sont très fiers : « Calvi est toujours fidèle ». Ce qu'ils ne savent peut-être pas c'est que cette devise a été donnée par les Génois, aidés puissamment par la ville, contre les habitants de l'intérieur !...

Trois jours plus tard nous quittons Calvi et la mer, pour nous rendre à Tattone au centre de l'île.

Tattone est un tout petit village perdu dans la grande forêt de Vizzavona, au pied du Monte d'Ora qui atteint 2.400 m. Une « expédition » fut décidée, qui avait pour but d'atteindre le sommet.

Nous sommes partis au cours de l'après-midi, aidés par deux moniteurs. Messieurs Naturel, Godeau et Sablé accompagnaient toujours une vingtaine de courageux dont nous avons malheureusement oublié les noms .

Après une heure et demie de marche, nous sommes arrivés à notre lieu de campement, il faisait très froid, nous étions tous serrés autour des feux de bois destinés à chauffer nos repas. Nous couchâmes dans des petites grottes d'accès très difficile, et où la place manquait.

Le lendemain, nous partîmes avant le lever du jour, à la lumière des torches, à l'assaut du dernier tronçon à parcourir. Après trois quarts d'heure d'efforts très méritants, nous atteignîmes le sommet après avoir passé près des neiges éternelles. Nos accompagnateurs furent très brillants et je me suis laissé dire que M. Sablé, encouragé par cette réussite, envisageait très sérieusement de poser sa candidature au poste de Haut Commissaire à la Jeunesse et aux Sports !

Point n'est besoin de vous décrire l'accueil enthousiaste recueilli par nous, au cours de notre retour au camp, soigneusement rangés, légers (surtout M. Godeau) et dispos après notre bain glacé dans un torrent !

Les derniers jours du voyage se sont passés à Ajaccio, ou une autre grève nous retint ce qui obligea certains d'entre nous à s'occuper utilement en lavant des vitrines de magasins.

Le retour fut bien entendu plus triste, car il y avait pour nous, la perspective de nous quitter après 4 ans d'efforts communs.



Que dire de ce voyage si ce n'est que nous en revînmes tous satisfaits. Il avait failli mal débuter, il aurait pu tourner à la catastrophe après les incidents de Marseille, à l'aller. Grâce au sang-froid et au dévouement de nos accompagnateurs, il n'en a rien été.

Et si je me permettais de donner un conseil à mes camarades des promotions qui suivent la mienne, je leur dirais de choisir leurs accompagnateurs avant même le but de leur voyage.


BANDOCH Rino

promotion 1958-1962

(Extrait du bulletin n°36 mars 1963)


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