ÉCOLE ET RELIGION : LA CHARGE DES HUSSARDS NOIRS DE LA RÉPUBLIQUE
D'après un article publié le 25 DÉC 2024 À 10H00 dans Science et Vie
Avec l'avènement de la III République émerge un nouvel ordre au service de la nation, celui des combattants de l'instruction publique, mobilisés autour de trois mots d'ordre qui sont encore la marque de notre système éducatif actuel : gratuité, obligation et laïcité. Serviteurs dévoués à leur mission, ces « hussards noirs » ont su renforcer l'identité nationale et inculquer des valeurs républicaines à plusieurs générations.
Un ouvrier père de famille consomme inutilement 0,15 franc d'eau-de-vie chaque matin et 2,50 francs de tabac tous les 15 jours. Le dimanche, il dépense en outre 3 francs au cabaret. Combien, avec l'argent mal employé pendant un an, pourrait-il acheter pour sa famille de litres de vin à 65 francs la feuillette de 120 litres ? » Face à ce problème d'une profondeur insondable, les enfants se plongent dans les pages de leur cahier de brouillon ou regardent leurs sabots en priant la Vierge de ne pas être appelés au tableau noir. Pendant que le maître déambule entre les pupitres mains derrière le dos, l'œil sombre et la moustache sévère, on entend les mouches voler. Au mur entre la Déclaration des Droits de l'Homme et le portrait de Victor Hugo, une maxime écrite en belles lettres capitales, cingle comme un coup de fouet : « Les bons écoliers feront les bons citoyens. Le paresseux fait du tort à lui-même, mais surtout à son pays. » La salle de classe suinte la discipline. Une discipline incarnant le pouvoir étatique et censée préparer les futurs citoyens à se plier aux lois de la nation. En cette année 1890, vingt ans après la déculottée infligée par les Prussiens, l'heure est à la fortification des esprits, à l'apprentissage des saines et souveraines règles élémentaires de la vie morale. Une morale purement laïque ne devant ni à Dieu ni à diable. « Nous voulons que vous nous fassiez non seulement des instituteurs, mais des éducateurs » a recommandé Jules Ferry, l'ancien ministre de l'Instruction publique et président du Conseil, aux directeurs d'écoles normales chargés de former la nouvelle garde d'instituteurs, dévoués corps et âme à la IIIe République.
Plus tard, Charles Péguy, se remémorant ses souvenirs d'école primaire à Orléans où les élèves-maîtres de l'école normale voisine venaient enseigner, parlera de « hussards noirs » pour évoquer ces jeunes gens investis d'une mission de la plus haute importance : instruire la population française. Ces véritables missionnaires laïcs, « sveltes, sévères, sanglés » dans leur uniforme noir qui lui rappelle celui des cavaliers d'élite du Cadre de Saumur, sont devenus le « bras armé » du nouveau régime pour ancrer la République dans les jeunes cœurs palpitants de la société.
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