Détours historiques sur la formation des enseignants du primaire
Alors que la formation initiale des enseignants et enseignantes sera bouleversée dès l’année prochaine, et que les textes n’ont toujours pas été votés au Conseil Supérieur de l’Éducation, Claude Lelièvre revient sur l’histoire des écoles normales, « ancêtres » des Inspe actuels.
Les années 1880 : une nouvelle ambition pour les écoles normales primaires.
Au début des années 1880, les écoles normales d’instituteurs (qui avaient été généralisées par la loi Guizot de 1833) et les écoles normales d’institutrices (qui viennent d’être généralisées par la loi Paul Bert de 1880 ) se trouvent être le siège d’ambitions nouvelles. Dans la mesure où leur mission est considérée comme vitale pour la République (cf la formule de Péguy, les ‘’hussards noirs de la République’’ qui s’imposera), les instituteurs et les institutrices doivent être mieux formés pour bien réussir. La pédagogie fait partie de la liste des matières fixée par le décret du 29 juillet 1881, et celle-ci fait l’objet d’une attention toute particulière : on va donner aux élèves-maîtres des connaissances sur les principes d’éducation, sur l ’histoire de l’école, sur les méthodes et les procédés, sur la législation scolaire. Il ne s’agit plus seulement d’acquérir de bonnes habitudes et quelques techniques ; il s’agit d’apprendre à exercer de façon réfléchie un métier difficile et important.
La difficile articulation théorie-pratique
Un problème essentiel – particulièrement délicat à résoudre – émerge alors : comment penser (et instituer) une relation correcte entre la « théorie » et la « pratique », l’école normale et les « écoles d’application » ou « écoles annexes » ? Les réponses varient.
La réforme de 1905 qui promeut de façon décisive le rôle de la formation professionnelle dans le dispositif des écoles normales primaires précise que « la fonction essentielle des écoles normales consiste moins à préparer des brevetés qu’à former par une culture spéciale les futurs éducateurs de la démocratie » (décret du 4 août 1905). Désormais les élèves-maîtres sont appelés à passer le brevet supérieur dès le terme de leur seconde année d’école normale et un « examen de fin d’études normales » au terme de leur troisième année. Les programmes de première et seconde année se trouvent réduits et remaniés. Ceux de troisième année sont, quant à eux, longuement développés autour de deux grands axes : « les programmes et directions pédagogiques » (explicitant pour chaque discipline les modalités spécifiques de leur application pratique) ; « l’éducation professionnelle des élèves-maîtres » (se préoccupant largement de l’enseignement dispensé dans les écoles annexes ou les écoles d’application)
Mais, en 1920, on revient à la formule de 1881. Afin de « rendre aux écoles normales le sentiment net de leur rôle spécial » (arrêté du 18 août 1920), on réintroduit la formation professionnelle dès la première année (en répartissant les stages des élèves-maîtres sur les trois années de la scolarité) et le brevet supérieur comme unique sanction terminale. Les études portent en première année sur la pédagogie générale, en seconde année sur la pédagogie spéciale (celle des différentes « matières » ou « disciplines »), et en troisième année sur la morale professionnelle et l’administration scolaire.
Claude Lelièvre
Né le 25 juin 1941 à Vouziers (Ardennes) ; agrégé de philosophie puis professeur en sciences de l’éducation, titulaire d’une chaire d’histoire de l’éducation ; ancien responsable de l’UEC à Lille (Nord) ; membre de la commission du débat national sur l’avenir de l’école.
Claude Lelièvre naquit dans une famille d’origine modeste. Son père, Charles Lelièvre, avait quitté l’école avant la fin de sa scolarité (en principe) obligatoire. Il fut successivement ouvrier agricole, scieur de long, commerçant ambulant. Sa mère, Jeanne Husson, ancienne normalienne, était institutrice. Claude Lelièvre eut donc très jeune une perception très partagée de l’école : émancipatrice pour sa mère et très problématique pour son père. Ses parents, pourtant dans la mouvance d’une tradition laïque de type spiritualiste, lui firent donner une éducation religieuse catholique. Le couple avait trois enfants, la première devint professeur de lettres et le troisième professeur d’allemand.
Claude Lelièvre fit ses études primaires à l’école communale, où il découvrit, fasciné, l’histoire dans le petit manuel d’Ernest Lavisse. Ayant réussi le concours d’entrée à l’École normale de Charleville (Ardennes), il poursuivit sa scolarité à celle de Douai (Nord) où il obtint un baccalauréat de philosophie. Il fit ensuite partie de la première promotion de formation en deux ans des maîtres de cours complémentaires (rebaptisés PEGC), de 1960 à1962, ce qui lui permit d’exercer deux ans au collège d’enseignement général de Lomme (Nord). Ayant réussi le concours des IPES en lettres modernes (faute de place en philosophie), il entama des études en lettres modernes à la faculté des lettres de Lille jusqu’à la maîtrise. Il s’intéressa beaucoup alors à la linguistique tout en continuant, à titre personnel, à lire des philosophes contemporains, tel Derrida, Foucault et surtout Althusser, le maître à penser du renouveau marxiste à l’époque.
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