A l'heure où les vocations pour devenir enseignant sont en baisse et où l'Éducation Nationale peine à recruter, qu'en était-il au moment de la généralisation des écoles normales sous le IIIè République ?

 

Comment savoir si les instituteurs de la IIIe République avaient la "vocation" ?




Pour comprendre la "vocation" des instituteurs de la IIIe République, explorez leur contexte historique et socioculturel. Jean-François Chanet révèle une réalité complexe : instituteurs par choix ou nécessité, entre passion républicaine et réalités matérielles. Découvrez cette dualité fascinante.

Illustration ancienne d'un instituteur qui enseigne au tableau devant ses élèves

Pour améliorer la formation des enseignants, le président Emmanuel Macron a proposé en septembre 2023 "de revenir à un système qu’on connaissait par le passé, qui fonctionnait, qui est un peu celui des Écoles normales". En affirmant que sa proposition avait aussi pour but de répondre à la crise des vocations, illustrée par la pénurie de candidats aux concours de l'enseignement, le chef de l'État a réactivé le vieux discours républicain sur les instituteurs d'autrefois, présentés comme les hussards noirs de la République. Mais il a oublié de préciser que les écoles normales n'ont jamais été le seul moyen de former les enseignants du primaire.

IIIe République," l'âge d'or des instituteurs" selon l'historien  Jean-François Chanet

L'historien Jean-François Chanet a montré que même au début de la IIIe République, considéré comme l'âge d'or des instituteurs, ce milieu était divisé entre ceux qui étaient passés par l'école normale et ceux qui étaient titulaires d'un simple brevet. La période qui s'étend du milieu des années 1890 jusqu'en 1914 est même celle où la proportion des enseignants du primaire entrés par la "petite porte" - que ce soit chez les hommes ou chez les femmes - a été la plus forte. Or la question de la vocation n'était presque jamais posée à propos de celles et ceux qui n'avaient pas préparé le concours d'entrée à l'école normale. On sait pourtant que les raisons qui les avaient conduits à entrer dans l'enseignement étaient souvent éloignées de l'esprit de vocation.

Pour comprendre l'importance de ce thème dans le discours républicain de cette époque, il faut rappeler qu'il s'inscrivait dans le combat que ces militants de la laïcité menaient alors contre l'influence de l'Église catholique.

L'un des rôles essentiels attribués aux écoles normales était de transmettre aux élèves-maîtres une "foi" comparable à celle que le passage par le séminaire confortait chez les prêtres catholiques, mais opposés à elle. C'est ce qu'affirma explicitement le ministre de l'Instruction publique, Eugène Spuller, dans un discours prononcé à Lille en 1887: "L'École, voilà désormais le temple de la foi des temps nouveaux".

L'exaltation de la vocation au désenchantement

Privilégier les "valeurs morales" en oubliant les réalités matérielles est une caractéristique des élites républicaines de ce temps qui n'a rien perdu de son actualité.

Exalter la vocation des instituteurs était une manière de justifier la faiblesse du traitement qui était accordé à des fonctionnaires pourtant chargés de "préparer à notre pays une génération de bons citoyens". Il est vraisemblable que ce type de discours eut un impact sur la première génération des instituteurs républicains. Issus des classes populaires, pour la grande majorité d'entre eux, ils n'ignoraient pas le privilège que représentaient la sécurité de l'emploi et le droit à une pension de retraite.

Néanmoins, la faiblesse des rémunérations accordées aux enseignants a rapidement alimenté un réel désenchantement. Alors qu'à cette époque les fonctionnaires n'avaient pas le droit, en principe, de se syndiquer, le discours sur la vocation a été contredit dès 1905 par les aspirations révolutionnaires des militants qui ont fondé la Fédération nationale des syndicats d'instituteurs.

Bibliographie

  • Jean-François CHANET, "Vocation et traitement. Réflexions sur la 'nature sociale' du métier d'instituteur dans la France de la IIIe République", Revue d’Histoire Moderne & Contemporaine, 2000, n°3, pp. 581-603.

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