SOUVENIRS DES ANNÉES FP 51-53 PAR ANDRÉ BUTRUILLE, PRÉFACÉS PAR ALDEBERT VALETTE, SON CAMARADE DE PROMOTION

« On sait bien mieux vivre à 20 ans » Jean Guéhenno.



Aldebert Valette
J'envoie, suite au souhait de l'amicale,  la plaquette de souvenirs sur l'école  normale de Douai, écrite par André Butruille, natif d'Auby,  Bubu, promo 51-53 (la mienne) . André est décédé voici quelques années et c'est son épouse qui m'a fait parvenir la partie de ses mémoires concernant les deux années passées à l'EN. Il y a là sans doute de quoi intéresser les collègues. Le texte est très bien écrit.
Amitiés
Aldebert Valette.


Il y avait 15 places mises au concours pour l'entrée à l'école normale

Je suis reçu 10e, Pierrot premier. Nous voilà en classe de formation professionnelle. Cinq « fossiles », (ainsi appelés parce qu'ils sont à l'école normale depuis une année déjà), viennent compléter notre promotion.
Ce que je ressens quand j'évoque ces temps est du domaine de l'indicible. Ce n'est pourtant plus vraiment « l'état de grâce » puisqu'il y a maintenant parti pris, je serai instituteur, je partirai à la retraite à 55 ans, ma voie est tracée. Or, en dépit ou à cause de cela, j'ai le sentiment d'avoir vécu deux années dont je ne peux traduire l'exceptionnelle plénitude. Au collège, au lycée, même si je me suis lié plus particulièrement avec l'un et l'autre, je n'ai pas connu à les fréquenter la complicité, la familiarité qui, -internat oblige -, va souder à l'école normale 20 compagnons, 20 camarades, 20 jeunes garçons éclatant de santé, tout à leur joie de vivre.
« Ce serait une belle chose, si je remplissais mes lettres de ce qui me remplit le cœur » disait Madame de Sévigné. J'aurais aimé de même, consacrer des pages aux chahuts mouvementés qui précédaient notre coucher, rappeler les plaisanteries salaces qui accompagnaient nos réveils « triomphants », vanter l'éclectisme de notre répertoire de chants qui allaient du petit poupon qui aime les confitures à la femme du vidangeur en passant par la douce Annette et l'ingrate Sophie, chère à Christiane Rochefort, etc., etc. Je me limiterai à n'évoquer que le plus réussi de nos canulars.
On dira que là n'est pas l'essentiel. Qui sait ?
Je ne m'étendrai pas davantage sur les stages à l'extérieur qu'au cours de ces deux années, nous avons suivis à Phalempin et à Soissons, bien que les images que j'en conserve soient plus empreintes de nostalgie encore, peut-être parce que le dépaysement et la nature des activités  (sports, jeux, veillées, marionnettes, cinéma, art dramatique, chants, etc.) ont fait que notre vie en communauté s'y est épanouie davantage.


Jacob Delafon est mort.

Monsieur R, le tout jeune professeur de psycho, à qui nous annonçons la nouvelle, nous avoue en toute humilité qu'il n'a jamais entendu parler de ce poète belge dont nous vantons le génie. Imperturbable, le « Grand » se lève alors et fait le panégyrique de ce professeur de l'université de Louvain qui, parti de très bas, puisque né dans une famille très pauvre du Borinage, parvint à force de travail à se hisser au premier plan de l'intelligentsia de son pays. Et notre camarade, qui venait juste de la torcher, de déclamer la dernière œuvre du grand Belge. Le « Vicomte » prit le relais puis chacun y alla de son couplet, on récita, on admira, on critiqua, etc. Bref, l'heure tout entière tourna autour de Jacob Delafon, nous étions intarissables. Je n'ose imaginer la réaction de ses collègues, ni la sienne qui s'ensuivit quand, en salle des professeurs, R… en vint à parler de la mort de Jacob Delafon.
Et tout à  notre joie dont nous ne soupçonnions  pas alors la cruauté gratuite, « cet âge  est sans pitié », nous avons voulu immortaliser par la photo ce canular de première grandeur.
"Jacob Delafon est mort" : un canular réussi, fêté comme il se doit

J'effectue mon premier stage pédagogique dans la classe de cours moyen de Monsieur Alloy, maître d'application à l'école annexe., Je l'aborde, gonflé de suffisance, je le termine, plein d'humilité et près de laisser là l'apprentissage d'un métier pour lequel je ne me trouve aucune disposition. Mais « l'homme, aimait à répéter notre prof de philo, ne fait pas seulement ce qui l'intéresse, il finit par s'intéresser à ce qu'il fait » . J'ai écouté, j'ai travaillé, je me suis progressivement amélioré. En fin de deuxième année, je suis volontaire pour affronter l'aéropage de pédagogues avertis chargé de noter un élève - maître au vu d'une leçon dite modèle. Coïncidence, je retrouve la classe devant laquelle j'ai fait mes tout débuts. Monsieur Alloy est à même de juger des progrès accomplis, il m'assure que je suis suffisamment armé pour affronter ma première classe, mais que, comme tous ceux qui pratiquent le métier j'aurai toujours à apprendre.
Il n'est pas nécessaire de rappeler les étapes qui ont marqué cette évolution. Gloire aux maîtres qui, outre leur savoir-faire, m'ont communiqué leur enthousiasme. J'étais entré à l'EN un peu par hasard, sans attrait particulier pour l'enseignement public, j'en suis sorti avec l'amour du métier et un idéal.
L'apprentissage de techniques pédagogiques en classe d'application que complétaient les cours théoriques de Monsieur Briquet ("Éch Broum" ), les leçons de psychologie de l'enfant de messieurs Rey et Jacquart, des visites d'écoles modèles, (technique Freynet) n'est qu'un aspect, important certes, mais loin d'être unique, de la formation que nous avons reçue.

Chaque lundi matin, monsieur Hickel, le directeur, assure le cours de morale professionnelle, un entretien familier plutôt qu'une leçon magistrale, nous ne prenons pas de notes et je serais bien incapable aujourd'hui de rappeler la teneur précise de ses propos, j'en ai retenu pourtant le message essentiel, qu'en toute chose, nous nous devions jamais attenter à la dignité de l'autre, surtout quand l'autre est un enfant.
Monsieur Haremza nous parle de Dostoïevski, il nous fait aimer les poètes modernes dont je ne savais rien à l'époque, Léon-Paul Fargue, Max Jacob ou Henri Michaux.
Mais aussi enrichissant que ce soit cette face de son enseignement, c'est surtout le côté « atelier » de certaines séances qui m'a le plus frappé ; ensemble nous avons cherché à définir la culture, la personnalité, l'intellectuel, etc. Ce furent là de belles leçons de pédagogie appliquée. Ne furent pas en reste Messieurs Deroo et Leleu qui surent nous faire découvrir tout le parti que l'on pouvait tirer d'une étude approfondie d'une carte d'état-major, d'une vue aérienne, d'un plan de ferme. Etc.
Outre la géologie, Monsieur Bodart nous enseigne la botanique, il faudra bien répondre à un enfant qui nous interrogera sur le nom de la plante qu'il a cueillie et il nous est imposé de présenter, en fin de deuxième année, un herbier riche de moins de 200 plantes, une corvée qui très vite devient plaisir. Le panier en bandoulière, je retrouve les sentiers de mon enfance dont la flore abondante et diversifiée va assurer l'essentiel de ma récolte.
La démarche de Monsieur Seurci est aussi très formatrice, c'est la classe, qui en tant que tout collectif, est tenue en fin d'année de présenter un travail de longue haleine, en l'occurrence, tout ce qui, du matériau brut au travail de l'artisan, de l'ouvrier, de l'architecte, a contribué à la l'édification d'une maison.
Et chacun, avant la synthèse finale, d'exposer la partie dont on l'a chargé., Pour ma part la fabrication de la tuile ; je suis allé me documenter sur le lieu même où mon père, mes oncles, encore enfants, pour quelques sous, étaient allés porter des « pannes » à longueur de journée.

En éducation physique et sportive, 

Messieurs Hage et Joly, soucieux de notre forme physique, soucieux de former des enseignants, soucieux de porter haut les couleurs de l'école normale, ne ménagent pas leurs efforts ni les nôtres. C'est un cross à travers les remparts, une course de fond ou de vitesse, une partie de Hand ou de basket, une leçon de gymnastique corrective, de plateau, un entraînement continuel qui comblent les plus doués comme Van Walle et Lequenne, mais qui met parfois les autres - dont je fais partie - à rude épreuve.


Comme j'ai une bonne pointe de vitesse, 

Monsieur Hage est persuadé que conformé comme je suis, j'aurais, selon lui, des petits segments !!! Je possède les qualités requises pour faire un excellent sauteur à la perche. Hélas ! Monsieur Hage, dès la première séance d'entraînement, renonce à pousser plus avant la vérification de sa théorie.
Je n'ai jamais su distinguer un do d'un la ; pourtant c'est sans déplaisir que j'assiste aux leçons  de Monsieur Jacquemin. Non que j'aie pris subitement goût à la dictée musicale, -entre cette matière et moi tout comme pour le dessin et le travail manuel, il y a incompatibilité irrémédiable -, mais j'aime le chant (je connais encore par cœur « nous étions trois camarades », le « berger »…) et, les jours de répétition il m'arrive de me glisser dans la chorale, dont, pour cause d'inaptitude à solfier, je ne fais pas partie. Surtout, j'éprouve le plaisir rare, tout nouveau pour moi, d'écouter une symphonie ou un concerto dans son intégralité, grâce au microsillon alors à ses débuts, une révolution.
Il me reste à évoquer Madame Dumont qui, de coups de crayon en coups de crayon diabolique, finit par transformer en petit chef-d'œuvre, l'infâme  gribouillis dont je noircis ma feuille de dessin. Monsieur Beuchet qui fait semblant d'ignorer que le petit banc que je lui remets, sort tout droit de l'atelier de Monsieur Vanwalscappel, ébéniste à La Motte-au-Bois. Monsieur Boillet dont je regrette d'avoir ignoré les conseils maintenant que j'aime le jardinage.

En plus de l'herbier, des différentes enquêtes et exposés divers (« le Grand Meaulnes » pour moi), d'une étude concrète de psychologie (j'ai choisi « l'enfant dans le groupe » à partir de notes prises en colonie de vacances), nous sommes tenus en fin de formation, de présenter une monographie dont il nous appartient de choisir le sujet. Pour Lecomte c'est « la pomme », pour Bodelle « la bande dessinée » pour Maurice « le jazz », pour Vandeputte « le logement social », etc. Chacun présente son thème en exposé, le professeur devient élève, c'est un enrichissement mutuel.
Quant à moi il m'est donné de vérifier une fois de plus la justesse de l'adage de mon prof de philo ; et la monographie d'Auby que j'ai choisi d'écrire uniquement par commodité, je l'entreprends au départ avec indifférence, la poursuis avec curiosité, puis au fil de mes recherches et enquêtes, la termine dans l'enthousiasme. J'en acquiers la passion, qui ne me quittera plus de l'histoire locale. Il ne s'est pourtant rien passé dans mon village qui, a priori, mériterait un tel intérêt, il n'y est né aucun personnage célèbre, il ne s'y est déroulé aucune bataille, on n'y trouve aucun trésor artistique, les manuels n'en font pas mention, mais cependant, des fermes du centre aux cités et usines de la périphérie, quels enseignements ! Quels témoignages de la peine des hommes !
J'ai vu vivre dans des baraquements insalubres et travailler dans la poussière, des colonies de maghrébins déracinés et dès lors, rencontrant le cortège d'un enterrement de rite musulman, je n'en considérais plus l'exotisme mais la triste réalité.
J'ai vu des paysages désolés, à la végétation brûlée par les vapeurs acides. Je suis descendu au fond de la mine, le pittoresque ne m'a pas fait oublier mon aïeul mort de silicose, ni mon copain Cyril tué, le crâne fracassé par la chute d'une pierre. Aux Asturies, où l'on me fait voir comme une relique, à l'entrée de l'atelier de chaudronnerie, l'empreinte à même le ciment du pied du père Caron, je n'oublie pas qu'il dut cet honneur « cet honneur » au fait qu'il y avait "ouvré" plus d'un demi-siècle.
La réalisation de cette monographie a beaucoup compté dans ma formation d'homme.


Les votes en 1951 des lois de de l'enseignement privé, 

(Barangé et Marie) ont ranimé la guerre scolaire. Échos à peine assourdis des luttes religieuses qui ont marqué l'histoire de la IIIe République, renaissent alors, exacerbés, les vieux réflexes. J'assiste au cours de mes stages à deux manifestations de ce genre. Le curé de Douai-Dorignies a, en chaire, accusé le directeur de l'école publique, Monsieur "Del"… de « bouffer du curé ». «Faux » rétorque Del… par voie d'affiche, « c'est bien trop mauvais ».
Monsieur "Vi", de l'école des cheminots, procède à la visite des cartables, il professe qu'on ne doit trouver que livres, cahiers et accessoires nécessaires à l'écolier : il en bannit non seulement frondes et bandes dessinées qu'il confisque mais aussi les catéchismes qu'il lance rageusement dans le couloir.


Le droit des minorités, une leçon de démocratie.


Élaboration en commun du règlement de la salle de lecture.
Question : aurons-nous le droit d'y fumer ?
Il n'y a pas unanimité sur la réponse à donner, je propose de la mettre voix. Intervention indignée de Scoliège qui soutient qu'il ne serait pas tolérable que ceux que l'odeur du tabac indispose, soient, par le vote majoritaire des fumeurs, bannis ipso facto de la salle de lecture. On lui donne raison.


Le procès de Bordeaux.


Le 12 janvier 1953, s'ouvre le procès des responsables du massacre d'Oradour. Parmi les accusés, 11 Alsaciens, des « malgré eux » qui ne seront pas jugés parce qu'une loi votée pour l'occasion, les disculpe de toute responsabilité collective.
Victor Beauvois, en classe de FP, dont le père, grand résistant, a été abattu par la police en 43, ne l'admet pas et, soutenu par ses camarades le fait savoir aux jeunes alsaciens qui, venus en stage à l'école normale pour corriger leur accent, ne s'en expriment pas moins, entre eux, dans leur dialecte. S'ensuit une violente bagarre que les autorités de l'école normale ont bien du mal à faire cesser. Il est mis fin au stage des Alsaciens le jour suivant.


Le cinéma.


Deux années bénies. Je fréquente au Studium le ciné-club affilié à la fédération française, on y disserte peut-être un peu trop longuement et un peu trop doctement et nous rentrons tard à l'école normale, mais quel enrichissement ! Surtout les soirs ou des invités de marque comme le critique André Bazin ou le décorateur Max Douy, viennent nous entretenir des films qu'ils aiment.
Moins sophistiqué, le ciné-club de l'EN, s'il est un lieu de rencontre apprécié des normaliens et des normaliennes, n'en programme pas moins des films de grande qualité et Monsieur Hickel, cinéphile averti , assiste à chaque séance et participe à la discussion.
Il y eut  surtout à l'école normale un stage « cinéma » d'une semaine. Films à l'appui, de Méliès à Renoir, on y parla mise en scène, techniques de tournage, décors, montage, etc. Chaque soir, on y joua des œuvres rares, je me souviens du long silence ému qui suivit la projection de « la passion de Jeanne d'Arc » dans une salle comble inoubliable. Inoubliable Falconetti ! Un grand moment !


La politique.


Si je lis régulièrement « L'OBSERVATEUR » il est vrai surtout pour ses pages culturelles, les grands événements de l'époque, excepté l'exécution des époux Rosenberg et la mort de Staline, ne m'ont guère marqué. Nul doute que je me suis tenu au courant des péripéties de la guerre d'Indochine et que j'ai applaudi à la réhabilitation des médecins du « complot des blouses blanches », etc., je n'en ai pourtant conservé aucune trace.
Malgré les sollicitations des uns et des autres, je refuse de m'engager dans aucun parti, ni même au « mouvement français pour l'abondance » de J. Duboin dont je partage pourtant les idées généreuses en lisant « la grande relève » journal auquel Roland et mon père sont abonnés et qu'ils commentent à tout venant avec passion.


Le bal des voleurs


Aldebert Valette , le voleur
L'œuvre la plus parfaite de Jean Anouilh Pierre Aimé Touchard, club des libraires de France, 1956.

C'est sur les conseils et en partie sous la direction de Pierre Dutrieux, « Troubadour », dont en stage à  Phalempin, nous avions pu apprécier la compétence, que nous avons décidé de monter cette « pièce rose » de Jean Anouilh dont la lecture nous avait enthousiasmés.
Plaisir des répétitions le soir à l'école normale de filles, unique représentation (avril ou mai 53) qui fut un triomphe, expérience inoubliable. Il m'en reste cette photographie, bien imparfaite, mais qu'importe, les souvenirs qu'elle fait surgir me sont infiniment précieux.



Stage de perfectionnement de moniteur de colonies de vacances à Soissons. Mai 1953.


Je revois la tête affolée de la directrice du stage (Madame Fauq ?) quand, sous la conduite du vicomte, caporal éructant des ordres brefs, elle vit au chant rythmé de « Rabat ta » déboucher notre colonne dans la cour de Beauregard. Craignait-elle pour la vertu des normaliennes d'Arras qui suivaient la même formation ? En fait, ce fut, et pour elle (elle nous l'avoua à l'issue du repas d'adieu) et pour nous, un stage merveilleux.
Le groupe, en gare de Soissons. Les filles vont regagner Arras et nous Douai


Juin 52

Monsieur Pèchenard à la recherche de moniteurs pour les colonies de vacances qu'il dirige pour le compte de la caisse d'allocations familiales de Douai est venu recruter à l'école normale. Il nous a vanté les charmes du nivernais, le confort du château de Flacy (entre Cosnes et Clamecy) où elle est  implantée . Il nous a montré tout le bénéfice que, futurs enseignants, nous avions à retirer d'une telle expérience de plus correctement rémunérée. J'ai été séduit. Jusqu'alors, excepté mon voyage à Paris de l'année précédente, je n'avais encore jamais quitté Douai et sa région. Je passais essentiellement les mois d'été à lire, à pécher, fréquenter les salles de cinéma. Ces activités me plaisaient et n'eussent été le stage de moniteur que nous avions suivi à Phalempin et la démarche de Monsieur Pèchenard, je me serais une nouvelle fois accommodé de ces vacances à domicile auxquelles, comme beaucoup de jeunes en ce temps, j'étais  habitué. Ce jour de juillet, la place Saint- Vaast de Douai où l'on nous a donné rendez-vous est très animée.
J'y retrouve Scoliège et Levrague. Les monitrices que, comme il est d'usage en colo, nous tutoyons d'entrée, se présentent : il y a Renée, Andrée, Solange, Aline, Christiane, Marie-Jo et Noella, la femme du moniteur-chef, René Rambert, qui va, qui vient, qui organise.



L'été est magnifique, les enfants, dans l'ensemble dociles, respirent la joie. L'équipe de moniteurs est motivée, active, gaie, ivre de jeunesse, « conviviale » au possible. Les chambres de nos équipes respectives (« les Zèbres » pour moi. Les « Bambis », pour elle) étant contiguës, Marie-Jo et moi bavardons chaque soir dans le couloir, jusqu'à ce que tous les enfants soient endormis.
J'apprends ainsi qu'elle est normalienne à Arras, qu'elle habite un tout petit village du Boulonnais, Courset, près de Desvres. Le calme établi, nous descendons rejoindre les autres réunis dans la salle à manger pour le repas froid qui nous est généreusement offert par Monsieur Martel, l'intendant, qui connaît notre appétit féroce ; agape joyeuse et saine qui ne se prolonge guère, tant nous sommes fatigués.
En août, je rentre Auby, je rejoins Flacy en septembre pour la dernière session, celle des grands. Nous sommes entre garçons, heureux d'être ensemble certes, heureux de chanter, heureux de plaisanter mais ce séjour, dans mon souvenir du moins, m'apparaît  bien moins ensoleillé que celui de juillet. Le ciel est le plus souvent couvert et… il n'y a plus de monitrices...


Le château de Flacy

Centre sanitaire permanent pour enfants déficients, la propriété accueille aussi chaque été, répartis en trois sessions, près de 300 enfants issus de familles modestes du Douaisis. C'est une colonie modèle à vocation sociale dont la CAF est très fière .
Confiné depuis toujours dans mon Douaisis natal, je suis à Flacy séduit par la nouveauté des paysages, le pittoresque de village comme Sainpuits, Perreuse aux maisons abandonnées ou Druyes-les-Belles-Fontaines, dont Scoliège et moi, partis à bicyclette pour ravitailler une équipe qui campait au pied du château fort, avons, dans l'émerveillement, découvert le panorama, au sortir d'un petit bois. Privilège du regard neuf, j'ai depuis rencontré des sites bien plus colorés, bien plus riches que ceux du Nivernais, mais aucun hors l'année suivante, celui de la haute montagne, ne m'a laissé une telle impression.
La colonie est bien acceptée de la population et nombreux sont ceux qui assistent aux fêtes que nous préparons avec soin. Je me souviens en particulier de ce spectacle d'ombres chinoises que Marie-Jo et moi, ce fut une nouvelle occasion de nous rencontrer, avons réalisé. « Le joueur de flûte de Hamelin » qui, plusieurs années plus tard, était encore montré aux officiels - dont mon père, administrateur de la CAF- qui visitaient la colonie.

André Butruille, Longfossé, Pas-de-Calais


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