Qui se souvient de Robert Mériaux, le directeur de l'école normale de Douai de 1956 à 1963 ?


Robert Mériaux fut d'abord élève-maître à l'école normale de Douai (promo 25-28), puis après quelques années d'enseignement, nommé directeur de l'école normale d'Arras en 1951, puis de Douai en 1956 et ce jusqu'en 1963. Après quoi, il fut nommé Inspecteur d'Académie à Arras, comme nous le confirme Bernard Crépieux dans son témoignage. Il est décédé à Vimy le 7 mars 2004. Pierre Lampin se souvient de lui dans un long article paru sur le site des anciens normaliens d'Arras. Pour sa part l'amicale de Douai lui a rendu hommage lors de son Assemblée générale du 16 mai 2004 en ces termes : "Son humanisme était unanimement reconnu par tous ceux qui ont eu la chance de le connaître." Michel Bonfils (promo 61-65) se souvient : "M Mériaux était directeur quand notre promo 61 est entrée à l'EN, puis je l'ai retrouvé plus tard comme vice-président de l'Amicale jusqu'à son décès."


Voici le témoignage de Pierre Lampin consacré à Robert Mériaux en intégralité. À noter que son surnom a changé, puisqu'il est passé de "Gégène" à "Pépère" en changeant d'EN.


J’ai connu M. Mériaux comme directeur de l’école normale d'Arras de 1954 à 1956. J’avais cependant fait sa connaissance auparavant, lors du concours d’ entrée de 1953 que j'avais raté mais où j'avais été frappé par sa grande humanité. Pour nous, normaliens d’Arras, Monsieur Mériaux était «Gégène». Personne ne l’appelait autrement. D'où lui venait ce surnom ?... Il faudrait le demander aux plus anciens que moi. Lorsqu’il venait au réfectoire, il nous arrivait souvent de l’accueillir en entonnant la célèbre chanson « Chez Gégène !» qu'il faisait semblant de ne pas remarquer. Il était au courant, bien sûr, et il en jouait. Je me souviens qu'à la suite d'une admonestation suivie d'une punition collective parfaitement méritée, il nous lança sur un air narquois : « Là où y’ a Gégène, y’ a pas d’ plaisir !». De quoi désarmer les plus contestataires... Il fut notre directeur pendant les deux premières années de formation de notre promotion. Ensuite, pendant l’ année scolaire 1956/57, il dut partager son temps entre les écoles normales d’ Arras et de Douai où il venait d’ être nommé. Nous apprîmes, plus tard, qu'il s’y mua en enquêteur pour faire cesser un trafic de détournement de fonds et de nourriture. Au cours de notre dernière année de «normalot» nous vîmes arriver M. Thomas qui était son successeur. « vîmes» est impropre car celui-ci quittait rarement son bureau, ce qui nous changeait beaucoup de son prédécesseur. A la rentrée de l’année scolaire qui suivit (1958/59), M. Thomas accepta ma candidature comme surveillant d’internat dans l’école, il avait complètement renouvelé le personnel de surveillance et en avait doublé le nombre ( 11 surveillants au lieu de 6). Il avait aussi créé un poste de «surveillant général» qui n’ avait jamais existé auparavant. A notre arrivée, M. Thomas nous rassembla pour nous présenter à notre «surgé» et pour nous préciser ses intentions. L’une de ses phrases est restée gravée dans ma mémoire: « Là où est. passé M. Mériaux il n’ y a que des mines à relever !». Cette phrase me choqua profondément car je n’ imaginais pas à l’époque à quel point les qualités des grandes âmes pouvaient irriter les plus ordinaires.

Monsieur Mériaux était de très grande taille et sa corpulence contrastait avec une voix un peu haut perchée. Cependant cette voix pouvait devenir percutante et claquer comme un coup de fouet lorsqu'il se mettait en colère. Car il arrivait à M. Mériaux de se fâcher. Mais se fâchait-il vraiment ?... Personnellement j'ai souvent pensé qu’il nous jouait la comédie car l’orage pouvait se calmer aussi vite qu’il avait commencé et son visage retrouvait en un instant son air affable habituel. Il avait un port de tête altier qui lui donnait une autorité naturelle mais il louchait. Ce strabisme amusait beaucoup les grands enfants que nous étions. «Lorsqu’il pointe le doigt sur l’un d’ entre nous, il y en a toujours 2 ou 3 qui se lèvent dans des endroits opposés de la salle» disaient nos humoristes, il avait en plus une façon curieuse de vous parler, sur un ton souvent interrogatif, ou allusif, en ponctuant ses phrases de petits «hein ? hein ?» qui faisait le plaisir de ses imitateurs.

Nous nous souvenons tous de son imposante silhouette car nous le rencontrions presque chaque jour dans les couloirs de la vénérable maison. Nous étions soumis à un régime d’ internat assez strict mais en dehors des heures de cours, les salles d'études n’étaient pas surveillées d'où parfois quelque chahut. Il y avait aussi ceux qui «faisaient le mur» pour aller au cinéma ou rejoindre une petite amie. Les cas d’indiscipline n’ étaient donc pas rares et nous avions alors affaire directement à «Gégène». Au cours d’ une interclasse M. Mériaux vous attrapait alors par le bras et vous entraînait dans une série d'aller-retours de galerie, la célèbre galerie qui était le «forum» de l’école. Long «confessionnal» dont les plus endurcis ne sortaient jamais indemnes moralement.

Monsieur Mériaux avait aussi instauré un «rassemblement» quotidien de tous les élèves. Cela avait lieu presque chaque jour, sous le préau vitré, peu avant le début des cours. Notre directeur y arrivait, accompagné parfois de l’économe de l’école pour y organiser quelque activité, mais aussi parfois pour commenter à sa façon tel ou tel fait de l’actualité de l’ école ou du monde. Selon les mieux «informés» d’entre nous il était franc-maçon, ce qui ne nous disait évidemment pas grand’ chose, mais qui explique peut-être le côté souvent «moraliste» de ses interventions devant les 2 ou 300 élèves-maîtres en blouse grise rassemblés devant lui. Car il restait encore un parfum de «hussard noir» dans l’école normale des ces années-là.

Je ne peux m’empêcher de relier ce sentiment à un petit événement qui eut lieu en 1957 ou 58 me semble-t-il, mais qu’on pourrait dater facilement. Ce jour-là Monsieur Mériaux nous apprit que le préfet du Pas-de-Calais avait été muté, ce qui nous laissait évidemment indifférents, mais aussi que ce haut-fonctionnaire souhaitait, avant de partir, partager un repas avec les «normalots». C’était plutôt flatteur pour nous et surtout une promesse d’amélioration ( passagère, hélas!) du menu. Ce «repas républicain» eut lieu un soir. Le préfet, le directeur et une partie du personnel de l’ école prirent place autour d’ une table dressée au milieu des nôtres. Le repas était évidemment amélioré et se prolongea assez tard dans la nuit dans une ambiance chaleureuse. Je me souviens qu’à la fin du repas les responsables de la «coopé» passaient entre les tables pour vendre cigarettes et cigares. Et alors nous nous sommes mis à chanter. Des chansons de corps de garde, bien sûr, mais aussi d’autres chansons qui fleuraient bon la vieille Révolution, Bruant et la Commune. Je regardais les visages de notre directeur et du préfet : ils avaient l’air tout heureux d’être là. Ce préfet s‘appelait M. Phalempin et je ne saurai sans doute jamais le «pourquoi» exact de cette soirée, mais je sais qu’elle a eu de l’importance pour moi, et pas seulement parce que j’y ai fumé mon premier «Ninas». Pierre LAMPIN (62173 RIVIERE) 2005


Autres témoignages sur notre page Facebook suite à la publication de l'article


Alain Bris "Je me souviens qu il ne supportait pas les élèves débraillés dans les couloirs et qu il reboutonnait leurs blouses lui même pour leur faire honte. On se moquait un peu de lui derrière son dos, évidemment." Régis Caillau "On l'appelait "pépère", un homme foncièrement bon, qui m'a permis alors que j'étais en section scientifique au bac de partir à l'EN de Lille en littéraire


Jean Bianchi C'était un humaniste. Il pratiquait la pédagogie par l'exemple et savait transmettre le sens de la dignité à notre métier d'enseignant. Merci à lui pour m'avoir aidé dans notre voyage au Gabon en dernière année d'E.N.


Bernard Crépieux Je l'ai retrouvé en 1966 à Arras, il était inspecteur d'académie...


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Pour connaître et retrouver la liste des 19 directeurs qui se sont succédé à la tête de l'école normale de Douai et la biographie des plus récents, suivez le lien vers le site historique de l'amicale des anciens normaliens de Douai


2 commentaires:

  1. Mon grand-père Robert Mériaux. Un humaniste hors du commun. Richard Mériaux son petit petit fils. Il m'appelait son Poulain. Écrit le 20 janvier 2022 à 18h27 à Arras

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  2. Bonjour Richard,
    Nous serions heureux si vous possédiez des documents concernant Robert Mériaux votre grand-père. Ils pourraient utilement avec votre accord figurer sur notre blog et perpétuer ainsi l'excellent souvenir qu'il a laissé auprès des normaliens toutes les années passées à l'ENG de Douai
    L'amicale

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