JEAN HAREMZA, INLASSABLE DÉFENSEUR DES ÉCOLES NORMALES PUIS DES IUFM COMME EN TÉMOIGNE CETTE LETTRE OUVERTE DE 2007 AU MINISTRE DARCOS QUE NOUS RÉVÈLE PAUL MAJOWSKI

questions en débat
QUELS FORMATEURS
POUR UNE BONNE FORMATION DES MAITRES ?
Notre collègue Jean S. HAREMZA, ancien directeur d’école normale a souhaité s’exprimer dans les colonnes de la revue du SIA sur la réforme des IUFM. Il adresse une lettre ouverte à notre Ministre et celui-ci lui a répondu (cf. page suivante).

En 1990, alors que je prenais ma retraite, une loi mal venue supprimait notre École Normale et lui substituait,
dans les mêmes murs, un établissement dépendant de l'IUFM d'Orléans-Tours. On me rappelle, et pas seulement en Loir-et-Cher, que j'avais été le dernier Directeur d'une maison qui, pendant 156 années, avait formé les institutrices et les instituteurs du département (mais aussi un Haut Commissaire du C.E.A.  Et quelques Inspecteurs d'Académie, Inspecteurs départementaux, Directeurs d'E.N. ou professeurs de Faculté). Elle avait donc très solidement rempli sa mission.Voici que les IUFM disparaissent à leur tour ...C'est à cette occasion que j'adresse une lettre ouverte à Xavier DARCOS.

QUELLE EST MA MOTIVATION ?

On me connaît pour mon expertise dans le champ de la formation des maîtres (plus de quarante années de
pratique et, en outre, ma longue activité nationale dans les syndicats concernés par la question primordiale
de l'éducation de base). Pour être précis, après mes années d'École Normale Supérieure, vingt ans comme professeur, puis vingt ans comme chef d'établissement. Donc, depuis 1958, rencontres avec tous les Ministres de l'Éducation Nationale, ou encore correspondance sur tel point technique après ma cessation d'activité.

POUR BIEN FORMER LES MAÎTRES, REMARQUES ET PROPOSITIONS

Monsieur le Ministre,

Ce 31 mai, pour justifier l'existence de deux Ministères, vous avez dit qu'il y avait un monde entre celui des Universités et la pratique quotidienne dans une école maternelle. Comme vous avez raison ! Alors que votre prédécesseur décrétait hier la suppression des IUFM (leur échec assez général n'était plus un secret, en tout cas pas dans le monde des acteurs de l'Education), je me permettrai une seule suggestion. S'il vous plaît, ne donnez pas suite à l'idée de M. de ROBIEN, qui aurait souhaité que la formation des maîtres soit tout entière sous la tutelle de l'Université et de ses professeurs. Même s'il envisageait, évidemment, des relais sur le terrain.
En opposition, je me plais à citer l'exemple de Blois, mon dernier poste dans une École Normale de taille moyenne, où il se faisait un excellent travail. Car elle avait un corps de professeurs motivés, remarquablement stable, ayant une vision citoyenne de notre mission. Ajouté à cela que la panoplie de leurs diplômes n'avait rien à envier à celle des collègues universitaires avec qui nous collaborions (anciens élèves d'ENS pour plus de la moitié, idem pour l'agrégation, voire un doctorat). On travaillait à plein temps, élargissant parfois le programme national (musique, arts plastiques, EPS, qui avaient été traités chichement au lycée et pendant la conquête de la licence, antérieurement à un concours d'entrée sélectif). Cette équipe
« professionnalisée » était facteur de réussite. Or, à la rentrée qui s'annonce, ne resteront plus que deux professeurs agrégés, en poste depuis plus de vingt ans. Comment l'Université pourrait-elle leur être substituée ? Combien d'enseignants universitaires seront tentés de quitter leur chaire, pour se mêler, par exemple, à la conduite si délicate d'une classe de maternelle ? C'est en ce début de siècle que les dégâts probables deviennent inquiétants : c'est aujourd'hui que disparaissent les derniers formateurs qui étaient les acteurs de la réussite de nos Écoles normales départementales. Entre le professeur formateur et le maître devant ses élèves, il y avait toujours un réseau de conseillers pédagogiques généralistes ou spécialisés,de maîtres et de maîtresses d'application répartis sur le territoire, de la Z.E.P. au village. En supprimant les EN, on avait eu la sagesse de maintenir ce maillage. C'est cela qui a permis aux IUFM de sauver la face pendant un temps. Personne, et surtout pas moi, ne niera l'apport précieux des universitaires lorsque, par une sage revendication syndicale, nous avions « décroché » leur participation. Les bénéficiaires ont mieux dominé leur métier lorsqu'il y a eu contact entre EN et Faculté, entre praticiens et acteurs de la « science qui se fait ». L'équilibre entre nos deux institutions était progressivement devenu très harmonieux. Les recherches des uns aidaient et, souvent, éclairaient la pratique. Par un heureux mariage.

OÙ ALLONS-NOUS ?
Le nouveau Premier Ministre m'avait naguère répondu que les indispensables mesures d'encadrement seraient prises. Plus qu'un procès discourtois, mon appel à votre vigilance veut être un témoignage de ma profonde inquiétude citoyenne. Ne pensez-vous pas, Monsieur le Ministre, que restaurer une instance départementale de formation ne serait certes pas un retour en arrière, mais une décision réaliste qui rétablirait les bases de notre école républicaine ?

Je vous assure, Monsieur le Ministre, de mon profond respect et de mon dévouement. »

Blois, le 05 le juin 2007
Jean S. HAREMZA
Chevalier de la Légion d'honneur

Commandeur des Palmes académiques
-OOO-

Post scriptum

Paul Majowski qui nous a fourni ce document réagit à sa publication avec émotion : 


PAUL MAJOWSKI (PROMO 58-62)
Grand merci pour la publication de la lettre de J. Haremza à X. Darcos. Elle prouve que l’action de Zaza allait bien au-delà de notre ENG de Douai. J’ai apprécié la photo, elle nous le montre nous scrutant avec bienveillance, un oxymore. Je le vois portant une veste de cuir, du daim sans doute, comme dans les années 50 et 60.
Je l’ai toujours vu dans cette tenue en toute saison, une manière de se démarquer du costume 3 pièces. Je rêvais d’en posséder une semblable, ce qui fut fait lorsque j’ai perçu mon premier salaire. J’étais en poste au C.E.G. de Marchiennes. La proximité de la Belgique m’a donné l’opportunité de l’acquérir à un moindre coût...
Il me reste un souvenir plus “intellectuel”. Zaza s’étant fait inspecter, il vint vers nous l’oeil tout pétillant pour nous déclarer que ça s’était bien passé. Le cours avait porté sur Pascal. Y-aurait-il eu un motif pour craindre un résultat contraire ? Les normaliens n’étaient pas dans les arcanes de l’administration, et pourtant ...
Finalement mes souvenirs sont embués de rêve, perdus dans le gouffre du temps, à la fois aussi présents et vagues que ceux des normaliens de l’époque. Zaza nous a échappé pour l’EN de Blois, nous a rendu visite au cours de l’AG de 2002. L’année 2008 nous l’a pris pour toujours. Restent dans nos mémoires une discussion sur Cinna et le thème du héros, un cours probablement sur les Pensées de Pascal, et beaucoup d’humanité.

Il fallait que je le dise ...
Paul Majowski, le 7 décembre 2013




PS  : voici la dédicace qu’il m’a aimablement laissée dans le livre “L’ECOLE NORMALE” d’Alain Vincent (Ed. Alan Sutton), auquel il avait collaboré.

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