L'école après le CM2 en 1950, un témoignage très documenté de Stéphane Tréla (promo 56 60)

L’ECOLE  APRES  LE  CM2  EN  1950.
LE CERTIFICAT D’ETUDES OU L’ENTREE EN 6ème.

A Coutiches comme partout en France, l’école était obligatoire jusqu’à 14 ans. Dans toutes les écoles primaires trois années de fin d’études suivaient le CM2 avec un programme qui changeait tous les deux ans. On y préparait le Certificat d’études primaires.

Le certificat d’études primaires.

A l’emploi du temps de tous les jours, matin et souvent en plus, l’après midi, dictée-questions, problèmes, lecture expliquée. Evidemment, c’était du rabâchage. Le par-cœur était roi.  Mais les élèves finissaient par acquérir de solides notions de base, finissaient par maîtriser l’écriture et l’orthographe comme ce n’est plus de mise actuellement. Intercalées et vite expliquées, des leçons de choses avec quelques expériences, des leçons d’histoire et de géographie. Dessin, musique, éducation physique étaient quelque peu négligés. L’instituteur remplaçait facilement ces matières par une dictée ou des problèmes supplémentaires. Des notions de jardinage pour les garçons, de couture et puériculture pour les filles étaient également dispensées. Tout s’écrivait à la plume d’acier sergent-major et à l’encre violette. Un buvard servait à poser la main, éponger les trop-pleins et les taches qui parsemaient le cahier des maladroits. Il y avait en plus des devoirs du soir qu’on faisait chez soi ou dans la classe si on restait à l’étude après la sortie de 16 h 30. 

Une exception à Coutiches : rentrés de cinq années de captivité en Allemagne, le directeur d’école Maurice Mercier et son adjoint Pierre Castelain appliquèrent les méthodes pédagogiques de Célestin Freinet. Après tant d’horreurs et de misères, nombreux furent ceux qui voulurent construire à la Libération un avenir de jours heureux : l’école en étant l’un des piliers. Textes libres sur la vie courante, linogravures, imprimerie à l’école, 26 écoles correspondantes dans la France entière dont une à Constantine, autocorrection, initiative personnelle, autonomie, furent les bases de cet enseignement exceptionnellement novateur. J’en ai bénéficié. Il a influencé toute ma carrière de professeur. Dans les jurys d’examens j’ai toujours défendu avec succès les copies qui témoignaient d’une pensée personnelle qui ne correspondait pas toujours aux critères  officiels. Je garde soixante-dix ans plus tard un sentiment reconnaissant et ému aux deux instituteurs de ma prime jeunesse.

1) « Le Ruisseau de Coutiches » (1948) journal imprimé à une trentaine d’exemplaires.
2) M. Herreng, successeur de M. Mercier poursuivit l’édition du journal.


L’examen du Certificat d’études pour le canton se déroulait début juin dans les écoles d’Orchies en une journée d’épreuves écrites (dictée-questions, composition française, arithmétique et géométrie, histoire ou géographie ou sciences naturelles) et orales (récitation, chant : Marseillaise obligatoire). Des épreuves sportives avaient eu lieu sur le stade d’Orchies quelque temps auparavant. Le midi, on mangeait sa tartine où l’on pouvait, souvent dans des cafés. Rien n’était prévu pour les élèves qui venaient des villages du canton. Le jury proclamait les résultats le soir même vers 18-19 heures. Il y avait deux premiers prix cantonaux (filles, garçons) : c’était un grand honneur pour le lauréat, son instituteur, le village. Sur la place du village, parents, amis, curieux étaient nombreux à attendre le retour à bicyclette des candidats, des décorations « Reçu » tricolores épinglées sur la poitrine. Des candidats  échouaient. L’instituteur ne présentait pas tous les élèves. Certains étaient présentés par leurs parents. En cas de succès, ils narguaient l’enseignant. Sur une classe d’âge, seule un peu plus de la moitié des élèves obtenait l’examen qui garda longtemps une valeur certaine. On savait rédiger une lettre sans faute !



« Décoration » des lauréats et diplôme du Certificat d’études primaires élémentaires.


Si certains élèves intégraient une 5ème de transition ou partaient dans un collège technique pour un CAP de mécanique ou de menuiserie, les fils de fermiers restaient à la ferme. La plupart des élèves se formait sur le tas chez des artisans maçons, boulangers, menuisiers, rejoignait le monde du travail à la Faïencerie d’Orchies, la Chicorée Leroux, des ateliers de confection La Belle Jardinière à Flines, à Râches, à Pont-à-Marcq. C’était un monde dur pour de jeunes adolescents de 14 ans à la croissance inachevée.

L’entrée en sixième.

Les départs en 6ème restaient rares, surtout chez les filles. Deux garçons en 1951 à Coutiches. On n’était admis en 6ème qu’après avoir subi les épreuves d’un concours d’entrée à Saint-Amand. Au programme : dictée-questions, composition française, problèmes d’arithmétique, résumé de texte.

L’école primaire Jules Ferry et Cours complémentaire de garçons d’Orchies. Il y eut un internat avant la guerre de 1914-1918. (Carte postale ancienne.)


Peu d’élèves partaient dans un lycée où l’on devait être pensionnaire car les transports ne permettaient pas des aller et retour quotidiens comme actuellement. Les deux Cours complémentaires d’Orchies, garçons et filles,  accueillaient la majorité des élèves dans les locaux des écoles primaires. Au cours des récréations, les deux types d’élèves se mêlaient. On s’y rendait à bicyclette par tous les temps.  De Coutiches à Orchies il y avait une piste cyclable entre la Grand’route pavée et la rangée de grands peupliers. Aucun ramassage scolaire. Il n’y avait pas de cantine. Le midi, les élèves se répartissaient dans les différents cafés d’Orchies. On mangeait sa tartine en buvant un verre de petite bière. L’hiver, la cabaretière acceptait de réchauffer les gamelles déposées le matin en arrivant à Orchies.

L’enseignement des Cours complémentaires débouchait après deux années, à l’issue de la 5e, sur le Complémentaire : Certificat d’études primaires complémentaires, indispensable pour passer en 4e.  A l’issue de la 3e et  quatre années d’études, on passait les épreuves du Brevet d’études primaires complémentaires, le BEPC. C’étaient l’écrit et l’oral obligatoire à Lille. On prenait le train dont le moindre retard nous angoissait. On pouvait poursuivre à Orchies deux années supplémentaires en sténo-dactylo-comptabilité. Il y eut également après le BEPC une section préparatoire au Brevet supérieur et aux concours de la fonction publique dont celui d’entrée à l’Ecole Normale d’Instituteurs.

Les Cours complémentaires assuraient uns formation théorique courte pour cadres moyens, petits cols blancs, agents de maîtrise, le programme du BEPC avec une seule langue vivante, sans latin ne permettait pas de poursuivre des études vers le baccalauréat. Le ministère de l’Instruction publique créa par la suite les baccalauréats M et M’ pour ces nombreux élèves issus des Cours complémentaires non latinistes qui étudiaient rarement deux langues vivantes : l’anglais et l’allemand (M), majoritairement une seule : l’anglais (M’). La grande Colette (1873-1954), écrivaine à succès fut une élève du Cours complémentaire de Saint-Sauveur-en-Puisaye. Avec son seul brevet, sans latin ni baccalauréat, elle mania la langue française mieux que certains académiciens actuels !

Evolution. 

Scolarité jusqu’à 16 ans, tous les CM2 en sixième sans concours d’entrée, multiplication des collèges, cantines, bus scolaires gratuits, conseils de classes,  omniprésence des parents d’élèves, conseils d’orientation, informatique, 80 % d’une classe d’âge obtenant l’un de la cinquantaine de baccalauréats différents, un certain laxisme généralisé représentent des changements considérables. Sont-ils positifs pour les élèves actuels qui restent très mal classés dans les comparaisons internationales ? On serait désormais un adulte mieux formé quand on intègre le monde du travail. Quant à la culture générale, même celle de nos élites …, les réseaux sociaux y pallient.                

Stéphane Tréla.

Stéphane Tréla au banquet de l'amicale le 3 avril 2022



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