Ce qui a changé après Mai 68 à l'école normale d'instituteurs de Douai, et ce qui est resté immuable, par Jacques Devienne (promo 67 70) suite à notre précédent article consacré à Mai 68 à l'ex-ENG de Douai

Les événements de mai 68 à l’école normale de Douai : 

une toute petite « révolution ».


Jacques Devienne se souvient avec humour de  Mai 68 à l'ENG

Les textes parus sur le blog de l’amicale des anciens élèves à propos des événements de mai 1968 ravivent en moi quelques souvenirs. Je fais partie de la promotion 67/70. Ce que l’on qualifie aujourd’hui « d’événements » de mai 68 a donc commencé en fin de classe de seconde.

Dès que les syndicats eurent rejoint la révolte estudiantine, la grève s’est peu à peu généralisée et les trains se sont arrêtés. Comme la plupart des élèves empruntaient ce moyen de transport, nous avons cessé de nous rendre à Douai. Nous étions isolés chez nous et les échos de ce qui se passait nous  parvenaient par la télévision : à Paris, des images de barricades et la Sorbonne occupée… Au niveau de l’école, quelques rumeurs transmises par les rares élèves présents : il paraît que des élèves montent la garde et que des professeurs font à manger… L’année scolaire s’est terminée ainsi et le stage de voile que nous devions faire a été annulé.

A la rentrée de septembre 68, j’étais très curieux (et je suppose qu’il en était de même pour mes camarades) de savoir ce qui avait changé à l’ENG suite à ce qui a été présenté par la suite comme une véritable « révolution culturelle ».  

Tout d’abord un changement très apprécié : le petit déjeuner échelonné. Fini la nécessité de compléter les tables pour commencer à manger, fini d’aller secouer les retardataires, un tout petit changement mais à nous la liberté ! 

Un autre événement plutôt cocasse s’est alors produit. Popaul arrive et, selon un rituel bien établi, place son manteau sur le manche du balai, rappelle au chef de classe qu’il doit demander qu’on lui installe un porte-manteau et se place à une petite table  près de la porte. Nous savons alors qu’il va promener son bon sourire sur la classe pour croiser le regard d’un élève qui sera interrogé au tableau. Comme un seul homme, nous plongeons tous dans nos pupitres en faisant semblant de chercher quelque chose pour ne pas être repéré. Popaul, qui sans doute n’était pas dupe de ce petit jeu, désigne un élève pour aller au tableau. C’est au moment où cet élève se dirige vers le bureau qu’un intrépide ose se lancer et, brisant la torpeur qui allait s’installer, lève le doigt et dit : « Monsieur, depuis les  événements  de l’an dernier les choses ont changé, dans les cours, on met les tables en rond et on peut discuter. » Stupeur dans la classe ! Comment le Maître va-t-il réagir ? Imperturbable Popaul dit alors : « Ah vous voulez que je vous parle de la réforme ; prenez une nouvelle feuille". Il commence alors à refaire l’histoire de l’éducation et nous grattons, nous grattons pendant deux heures.


Paul Dumont "Popaul" entre son épouse et Monsieur Mériaux, ancien directeur de l'EN


  On conviendra donc que « la fracture culturelle » source de tous les maux que dénoncent certains conservateurs n’a pas atteint rapidement nos belles provinces… 


Jacques Devienne

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