dimanche 12 octobre 2025

Lors de l'assemblée générale de l'AMOPA 59, un hommage a été rendu à Christian LELIÈVRE par Jean-Louis DESSAINT

 


Ce samedi 11 octobre 2025 s'est tenue l'assemblée départementale de la section Nord de l'AMOPA à Cambrai. Ce fut pour Jean-Louis DESSAINT l'occasion de mettre à l'honneur, une fois  encore, le parangon de notre bel idiome, Christian LELIÈVRE. Une semaine auparavant, samedi 4 octobre,  lors de la Dictée d'Habarcq, il avait reçu un livret contenant ses 100 dictées. Nul doute qu'il faudra en ajouter plus de 5 cette année.
Jean-Louis DESSAINT situe le contexte de son hommage : 
"Chaque année, le club cinéma de Merville me demande d'écrire et d'animer une dictée sur le thème du cinéma (J'en ai déjà écrit une sur Louis de Funès, les westerns...) et cette année j'ai décidé d'en écrire une sur Michel Audiard et ses répliques cultes. Quand elle fut terminée, je me suis dit : que dirait Audiard à propos de Chrsitian Lelièvre ? Voici le texte rédigé que j'ai donc lu hier dans la salle des mariages de l'hôtel de ville de Cambrai. Christian m'a autorisé de te le communiquer  afin de le publier sur le site. Voilà qui est fait.



Le redresseur de fautes


Quatre-vingt-huit balais bien comptés, et toujours bon pied, bon œil... et surtout, bon verbe. Lui, c’est pas du genre à conjuguer sa passion au passé : la langue française, il la sert encore chaude, tous les jours, à toutes les sauces – surtout piquantes, quand il s’agit de relever le niveau.
Champion d’orthographe à répétition – mais pas du genre à faire des fautes de goût –, il écume les routes du Nord-Pas-de-Calais et de la Belgique francophone, semant des dictées comme d’autres sèment la zizanie, mais avec l’orthographe pour moisson. Des salles des fêtes du fond de l’Avesnois aux médiathèques municipales de la région ou d'outre-Quiévrain, il fait swinguer les cédilles, valser les subjonctifs et tomber les accents comme des dominos.
Sous des dehors affables – le sourire discret, le regard pétillant comme une règle d’accord bien appliquée –, il conjugue urbanité et érudition sans jamais céder à l’arrogance et surtout l’humilité à tous les temps, sauf au futur antérieur des prétentieux. Commandeur des Palmes académiques (et pas pour faire joli sur une carte de visite), président délégué de l’AMOPA de l’Avesnois (et pas que pour le titre ronflant), il préfère les honneurs discrets aux trompettes du paraître. Sa devise, il la sert sans balbutier : servir, partager et donner l’appétence.
Oui, l’appétence ! Un mot qu’il mâche avec gourmandise, une friandise pour lettrés en mal de saveur. Avec lui, même les fautes finissent par se tenir à carreau : à force de les pourchasser, elles désertent d’elles-mêmes les copies qu’il corrige. Il ne corrige pas, il pacifie les lignes : le Bon, la Brute et le Participé passé.

Si d’aventure il me l’eût permis, je lui aurais réservé cette tirade : Moi, les fautes j’les soigne, j’m’en vais leur faire une ordonnance et une sévère ! J’vais leur montrer qui c’est Christian.(…) Mais quand y’en a trop, j’correctionne plus, j’dynamite, j’disperse… Et j’ventile.

Ceux qu’il a aidés, on les compte par bataillons. Grâce à lui, combien ont repris goût aux mots, cessant de les maltraiter comme des pavés jetés à la va-comme-je-te-mets? Les participes passés, il les accorde avec une telle délicatesse qu’on dirait qu’il leur demande poliment leur genre avant de les flanquer d’un « e ». Et les pièges ? Il les démonte sans trembler, façon horloger suisse, ou artificier maniaque.
D’aucuns même – et ils se reconnaîtront - en parlent en connaissance de cause : ses corrections leur ont affûté la plume comme on affûte une lame, et ses remarques, toujours justes, tombent comme des couperets... mais enveloppés de velours. Il ne coupe pas les cheveux en quatre : il les peigne dans le sens inverse de la faute.
Un jour viendra – peut-être – où l’on préférera les messages sans accent aux phrases bien tournées, les LOL aux alexandrins. Ce jour-là, qu’on se souvienne de lui comme d’un vieux grognard des mots, sabre au clair, dictionnaire en bandoulière. Pas un justicier de l’orthographe — non, un redresseur de fautes, un Zorro du zéro faute, un chevalier de l’accord parfait.


Jean-Louis Dessaint

Le 30 juillet 2025

Vice-Président de l’AMOPA 59





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