Un récit émouvant de Jacques Devienne autour d'une solide amitié normalienne et d'un souvenir plein de mystères à propos de Stonehenge

DOUAI-STONEHENGE ALLER ET RETOUR

OU L'HISTOIRE D'UN SITE ET D'UNE BELLE AMITIE

JUIN 1967

Pour passer le concours d'entrée à l'école normale nous devions être "internés" pendant quelques jours. Entre les épreuves orales, de nombreux candidats se promenaient dans le parc en essayant de glaner quelques renseignements sur le type de questions posées par les jurys. Je m'approche d'un garçon assis sur un banc et, après de rapides présentations, il me pose la question : "il paraît que des examinateurs de mathématiques demandent de calculer la surface d'une rosace, tu sais faire ça toi ?". Panique... je ne pense pas avoir appris cette formule, nous retournons le problème dans tous les sens en essayant d'accéder au tréfonds de notre mémoire et notre angoisse s'intensifie car nous savons qu'une partie de notre avenir est en train de se jouer.
Proclamation des résultats : nous sommes tout à la joie d'être devenus des Normaliens ! 

SEPTEMBRE 1967

Rentrée des classes, je suis en seconde A et je retrouve le "garçon à la rosace", Bernard, avec qui je fais plus ample connaissance et deviens ami. Le premier texte que nous étudions en cours d'anglais s'intitule "Stonehenge" et manifestement notre professeur, Mademoiselle Colin, apprécie beaucoup ce site mégalithique ; elle nous en parle avec enthousiasme , nous montre des cartes postales, en construit une réplique avec des craies sur le bureau, et nous passons du temps sur ce texte, beaucoup de temps... Les adolescents insouciants que nous sommes plaisantent volontiers mais nous ne sommes pas insensibles à la musicalité de la langue anglaise :"Inexpressibly remote those great stones seemed, standing up in the faint light..." 
Le temps passe et l'année scolaire se termine par les fameux événements de mai 68. 


extrait du livre d'anglais de la classe de seconde L GUITARD et L.MARANDET


AOÛT 1968

Bernard, devenu mon meilleur ami, me téléphone et me demande si cela me plairait de passer des vacances en Angleterre, nous ferons du stop et logerons en auberge de jeunesse. L'idée est séduisante mais je m'inquiète un peu des conditions de vie durant ce séjour. Il me dit : "Et naturellement nous irons ... à Stonehenge !" Nous voilà partis avec le sac au dos, nous vivons bien des aventures avant d'arriver dans la plaine de Salisbury. Nous allons pouvoir confronter les représentations imaginaires avec la réalité. Pour ma part je ne suis pas déçu et je retrouve l'ambiance du texte d'Henry Vollam Morton : " A une distance inexprimable ces grandes pierres semblaient se tenir debout dans la faible lumière qui n'était ni celle de la lune ni celle du soleil mais la demi lumière spectrale qui se présente avant le jour. "

MAI 2018

50 ans plus tard je reste fasciné par les mystères qui entourent ce site : de nombreuses théories ont été émises pour répondre aux questions : comment ces pierres ont-elles été transportées ? comment ont-elles été dressées ? quelle était la fonction de cet endroit ? une sorte de calendrier astronomique ?  s'y est-il produit des sacrifices humains ? ... 
Le temps passe encore jusqu'au jour où, à l'occasion d'un séjour à Londres, je découvre un livre de Rosemary HILL sur Stonehenge et la photo de couverture fait remonter bien des souvenirs. En le feuilletant je tombe en arrêt  devant cette phrase : " ...while a fifteenth-century drawing discovered recently in Douai in France ... " Ainsi l'une des représentations les plus anciennes des mégalithes de Stonehenge (1440-41) aurait été découverte à Douai. 

OCTOBRE 2019

Je mène mon enquête et j'apprends que ce manuscrit est conservé à la bibliothèque, à deux pas de l'ancienne école normale, et à l'occasion d'une réunion du conseil d'administration de notre amicale, je m'y rends.  Je suis reçu très courtoisement par Monsieur Jean Vilbas, conservateur de la bibliothèque de Douai, qui me décrit comment ce dessin a été découvert et m'explique qu'il s'agit d'une des plus anciennes représentations du site, peut-être la plus ancienne ("jusqu'au moment où on en trouvera une plus ancienne" me précise-t-il). J'ai eu le privilège, grâce à lui, de voir ce manuscrit anglais avec l'illustration qui est beaucoup plus petite que je ne l'imaginais (quelques centimètres carrés).  


 extrait du livre Stonehenge de Rosemary HILL

EPILOGUE

Cette boucle temporairement refermée entre Douai et Stonehenge suscite en moi un trouble certain, elle contient des souvenirs, de la nostalgie, une fascination pour les énigmes de l'histoire... mais surtout une grande et belle histoire d'amitié qui dure encore. Bernard (Moreau) et moi avons été dans la même classe pendant trois ans à Douai, puis nous nous sommes retrouvés au centre PEGC de Lille, il est aujourd'hui à la retraite après une carrière mouvementée et très riche, il vit à San Francisco où il a été directeur d'une école franco-américaine. 


Bernard Moreau

Jacques Devienne




 




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