Quand l'école normale a déménagé à Granville, c'était en novembre 1939, triste souvenir

Bernard Pecqueur , de la promotion 56-60 nous envoie un petit article sur Granville, rédigé à partir de documents que lui a confiés Gilbert Cavro il y a quelques années. Voici ce qu'il en dit :
"Cet épisode m'intéressait car j'ai souvent entendu ma mère parler de la séparation qu'elle a vécue quand son fiancé, Raymond Pecqueur, de la promotion 1938-41avait dû quitter Douai pour se rendre à Granville. Je n'ai pas de témoignage direct de mon père car il est décédé sous un bombardement en mai 1944, mais j'ai encore quelque photos et lettres qu'il avait adressées à ma mère.
Voila pour ma petite contribution.
Cordialement."
Bernard Pecqueur




       Quand l’Ecole Normale fuyait l’occupant !


Voici ce que reçurent les normaliens des promotions 1937/41, 1938/41 et 1939/42 fin novembre 1939 :

        Note de Lille

Inspection Académique du Nord                                           Lille, le 27 novembre 1939                       

NOTE       

Le transfert des élèves des Ecoles Normales de Douai dans le département de la Manche  (Granville) est fixé au samedi 2 décembre 1939.      

Départ de DOUAI par chemin de fer ; rassemblement gare de DOUAI, cour du Nord, à 19heures, ne pas se rendre à l’Ecole Normale ; les malles doivent être apportées à la gare de DOUAI.      

Organisation : Conserver la présente note qui sera exigée au départ et tiendra lieu de sauf conduit.Chaque élève doit apporter deux jours de vivre. 

L’inspecteur d’Académie,  SIGNORET                                                                                     


C’est ainsi que commençait l’épisode de Granville…
La douloureuse expérience de la première occupation allemande était encore dans tous les esprits à cette époque. Aussi, en 1939, a-t-on a prévu, en cas de danger, une installation de repli dans un endroit qui, pensait-on, ne craignait pas une éventuelle occupation et permettrait de mettre à l’abri plusieurs centaines de normaliens et normaliennes de Douai. Chacun se souvenait que la ligne de front s’était installée pendant la première guerre mondiale entre Douai et Arras.
C’est donc Granville, petite station balnéaire de Normandie qui les accueillera, garantissant une bonne marge de sécurité.



L’Etat qui a ordonné l’ordre de transfert a recherché et réquisitionné les locaux de repliement.
Le mobilier et le matériel de l’Ecole Normale ont été expédiés quelques temps auparavant et des travaux d’aménagement conséquents ont été effectués dans les bâtiments qui vont accueillir l’Ecole Normale en exil :
. Le grand hôtel qui abrite l’internat offre ses chambres où les lits venus de Douai ont pu être disposés par 4 ou 5 et sa grande salle de restaurant servira de réfectoire.
. Le Casino niché au pied de la falaise fournira les locaux pour les salles de cours.
. L’immeuble du patronage, dit Elysée, hébergera les élèves pour les études.



L’Ecole dispose donc de l’infrastructure nécessaire  pour fonctionner malgré l’adversité, mais il fallait résoudre aussi le problème de l’encadrement des cours et activités pédagogiques, ce qui n’était pas une mince affaire !
En effet, les cadres titulaires de l’Ecole étant mobilisés et en particulier le directeur,
M. Poirion, officier d’artillerie dans une division alpine, un directeur intérimaire est nommé : c’est M. Lesur le plus âgé des professeurs non mobilisables qui avait pris sa retraite l’année précédente. Une partie des professeurs des Ecoles normales de Douai ont suivi le mouvement, ils ont été secondés par des professeurs du lycée de Granville. C’est M. Hémery (ce nom aura quelques résonances pour certains d’entre nous), directeur de l’Ecole Annexe, qui organise les stages des élèves maîtres dans les écoles primaires de Granville et des environs.
L’année scolaire se déroule donc dans ce nouveau cadre où l’horizon de la mer remplace celui du plat pays. Il y a les cours, mais les élèves organisent aussi dans l’exil les fêtes traditionnelles : le 21 mars 1940, la promotion 37/40 a fêté « le Père Cent », la promotion 38/41 « la Sainte Moitié » et en avril, Normaliens et Normaliennes ont animé par une représentation théâtrale et une chorale une fête donnée à Granville au profit des œuvres de guerre.
Mais le mois de mai rappelle les réalités de la guerre, le conflit entre dans une phase active ; une cession spéciale du BS est organisée début juin pour faciliter la scolarité des élèves mobilisables ; finalement, devant l’avance des forces allemandes, une nouvelle évacuation est décidée.  « Ceux qui ont un point de chute, une adresse de parents ou d’amis, sont autorisés à partir ». En chemin de fer, en voiture, à bicyclette, les normaliens quittent Granville.
Ceux de le classe 40 -1er contingent- ont reçu leur ordre de mobilisation ; les autres sont embarqués le dimanche 16 juin à 18h. » à nouveau dans un train spécial qui doit les emmener au sud de la Loire. Le lundi 17 juin à 20 h. le train les dépose à Cuer entre Rennes et Vannes. Le voyage continue à pied du mardi 18 au samedi 22 et après une traversée de l’estuaire de la Loire sur un bateau de pêche, un autocar transporte les derniers normaliens à Pornic où le groupe se disperse.
Certains trouvent l’hospitalité à l’Ecole Normale de Châteauroux, d’autres remplacent des maîtres mobilisés, d’autres encore sont appelés par l’autorité militaire ou rejoignent le Général de Gaulle à Londres.
Les plus jeunes, ceux de la promotion 39/42, quand ils auront rejoint le Nord, peuvent à la rentrée d’octobre 1940 accomplir leur fonction de normalien dans des EPS. À Lille, Valenciennes et Douai.
Pendant ce temps, les bâtiments de l’EN de Douai restent vides de normaliens : les lois de septembre et novembre 1940 ont supprimé les Écoles Normales, et une autre histoire de la formation des maîtres commence ainsi qu’un nouvel épisode de l’Ecole Normale de Douai.








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